Reconnaissance juridique et institutionnelle des associations alternatives à la chasse : analyse du cadre légal et de la jurisprudence
La question de la reconnaissance juridique d’une association alternative à la chasse, telle que la SCAPE, et du concept qu’elle défend, invite à distinguer la reconnaissance de l’association en tant que personne morale, la reconnaissance de son objet statutaire, et la portée juridique du concept qu’elle promeut. Il s’agit de déterminer si la seule création d’une telle association emporte reconnaissance légale du concept alternatif à la chasse, ou si une reconnaissance institutionnelle ou administrative spécifique est requise pour que ce concept acquière une valeur juridique opposable. L’analyse du droit positif, enrichie par la jurisprudence, permet de clarifier la portée de la création d’une association de ce type et les conditions d’une éventuelle reconnaissance institutionnelle.
En synthèse, la création d’une association alternative à la chasse, même régulièrement déclarée, ne confère pas en elle-même une reconnaissance légale du concept qu’elle défend. La reconnaissance juridique du concept suppose, au-delà de la simple existence de l’association, soit une consécration législative ou réglementaire, soit l’obtention d’un agrément ou d’une habilitation spécifique par l’autorité administrative compétente. La jurisprudence, tant nationale qu’européenne, confirme que la reconnaissance institutionnelle d’un objet statutaire ou d’un concept défendu par une association requiert le respect de procédures et de critères objectifs, et ne découle pas automatiquement de la création de la personne morale.
Cadre légal de la création et de la reconnaissance des associations alternatives à la chasse
La création d’une association, qu’elle soit alternative à la chasse ou non, est régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, à laquelle renvoie expressément le droit de l’environnement pour les associations cynégétiques. Selon l’, « Les associations sont constituées conformément à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. L’agrément leur est donné par le président de la fédération départementale des chasseurs. » La constitution régulière d’une association lui confère la personnalité morale et la capacité juridique d’agir en justice, de contracter, et de défendre ses intérêts statutaires.
Toutefois, la reconnaissance de l’objet statutaire d’une association, et a fortiori du concept qu’elle promeut (par exemple, une alternative à la chasse), n’est pas automatique. Le droit français distingue la reconnaissance de la personne morale (qui découle de la déclaration en préfecture) de la reconnaissance institutionnelle ou administrative de l’objet ou du concept défendu, qui suppose l’obtention d’un agrément ou d’une habilitation spécifique.
L’ dispose ainsi que « lorsqu’elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l’amélioration du cadre de vie, de la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, de l’urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d’une manière générale, oeuvrant principalement pour la protection de l’environnement, peuvent faire l’objet d’un agrément motivé de l’autorité administrative. » Cet agrément, délivré dans des conditions fixées par décret, confère à l’association une capacité renforcée d’agir en justice et de participer à certaines instances consultatives, mais il n’emporte pas, en soi, reconnaissance légale du concept défendu : il atteste seulement de la conformité de l’objet statutaire aux finalités d’intérêt général définies par la loi.
La reconnaissance institutionnelle d’un concept alternatif à la chasse, tel que celui défendu par la SCAPE, suppose donc, au-delà de la création de l’association, soit une consécration législative ou réglementaire, soit l’obtention d’un agrément ou d’une habilitation spécifique, qui ne sont pas automatiques et requièrent le respect de critères objectifs.
Statut et missions des associations communales et intercommunales de chasse agréées (ACCA/AICA) : absence de reconnaissance automatique d’alternatives
Le droit de l’environnement encadre strictement la création et le fonctionnement des associations communales et intercommunales de chasse agréées (ACCA/AICA). Selon l’, « Les associations communales et intercommunales de chasse agréées ont pour but d’assurer une bonne organisation technique de la chasse. Elles favorisent sur leur territoire le développement du gibier et de la faune sauvage dans le respect d’un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique, l’éducation cynégétique de leurs membres, la régulation des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts et veillent au respect des plans de chasse en y affectant les ressources appropriées en délivrant notamment des cartes de chasse temporaire. Elles ont également pour objet d’apporter la contribution des chasseurs à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages. »
Ce texte montre que la reconnaissance institutionnelle des ACCA/AICA est subordonnée à l’agrément du président de la fédération départementale des chasseurs, et que leur objet statutaire est strictement encadré par la loi. La création d’une association alternative à la chasse, qui ne s’inscrit pas dans ce cadre, ne saurait donc bénéficier d’une reconnaissance institutionnelle équivalente, sauf à obtenir un agrément spécifique au titre de la protection de l’environnement, selon les modalités prévues à l’article L141-1 précité.
L’ précise en outre les conditions d’admission des membres dans les ACCA, en distinguant plusieurs catégories de personnes (propriétaires, détenteurs de droits de chasse, preneurs de biens ruraux, etc.), et en prévoyant des droits spécifiques pour les propriétaires non chasseurs. Il n’existe aucune disposition prévoyant la reconnaissance automatique d’une association alternative à la chasse, ni du concept qu’elle défend, dans le cadre des ACCA/AICA.
La jurisprudence : reconnaissance du concept défendu par une association et portée de l’agrément
La jurisprudence européenne et nationale confirme que la reconnaissance institutionnelle d’un concept défendu par une association ne découle pas de la seule création de la personne morale, mais suppose le respect de critères objectifs et, le cas échéant, l’obtention d’un agrément ou d’une habilitation spécifique.
La Cour européenne des droits de l’homme, dans son , rappelle que « le régime des associations de chasse agréées répond à un motif d’intérêt général, visant à prévenir une pratique désordonnée de la chasse et à favoriser une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique ; que les propriétaires adeptes de la chasse qui apportent leurs terrains bénéficient, conformément à l’article L. 422-21 du code de l’environnement, d’une admission de droit à l’association de chasse et, par conséquent, du droit de chasse sur l’ensemble du territoire de l’association ; qu’ainsi, les propriétaires de terrains d’une superficie inférieure à celles mentionnées au 3o de l’article L. 422-10 du même code se trouvent placés devant l’alternative de renoncer à leur droit de chasse en invoquant des convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse ou d’apporter leurs terrains à l’ACCA, tout en bénéficiant des compensations qui viennent d’être rappelées ; qu’ainsi, ce système ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété, et ne méconnaît pas les stipulations de l’article 1er du [Protocole no 1] ».
Cet arrêt illustre que la reconnaissance d’une alternative à la chasse, fondée sur des convictions personnelles, n’est pas automatique et suppose l’exercice d’un droit d’opposition dans les conditions prévues par la loi. La création d’une association alternative ne confère donc pas, en soi, une reconnaissance légale du concept défendu, mais permet seulement à ses membres d’exercer certains droits, sous réserve du respect des conditions légales.
La jurisprudence administrative, à travers le , précise que « l’association Nature et citoyenneté Crau Carmague Alpilles, association agréée pour la protection de l’environnement au titre des articles L. 141-1 et suivants du code de l’environnement, a pour objet statutaire de « veiller, protéger, défendre et valoriser le patrimoine naturel et sa biodiversité des départements des Bouches-du-Rhône et du Gard, et des territoires marins au droit de ces départements » (…). Eu égard à son objet statutaire, l’association requérante justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’arrêté attaqué (…). » Ce passage montre que l’agrément au titre de l’article L141-1 confère à l’association une capacité renforcée d’agir en justice, mais ne consacre pas, en soi, la reconnaissance légale du concept défendu : il s’agit d’une reconnaissance de la conformité de l’objet statutaire aux finalités d’intérêt général définies par la loi.
De même, le rappelle que « la Fondation pour la Nature et l’Homme, créée en 1990 et reconnue d’utilité publique par décret du 1er août 1996, a pour objet (…) d’assurer la préservation du patrimoine naturel commun (…). Eu égard à son objet, à l’ancienneté de son engagement et à la multiplicité des actions menées en faveur de la protection de l’environnement, cette association est recevable à présenter des conclusions en réparation du préjudice écologique. » Ce raisonnement, transposable à une association alternative à la chasse, montre que la reconnaissance de l’objet statutaire permet à l’association d’agir en justice, mais ne confère pas une reconnaissance légale du concept défendu, sauf consécration législative ou réglementaire.
Enfin, la illustre la rigueur de l’application des critères légaux d’admission dans les associations de chasse, en précisant que « pour être membre de droit d’une association de chasse agréée, le propriétaire ou le détenteur de droits de chasse doit en avoir fait l’apport à cette association. » Cette décision confirme que la reconnaissance de droits spécifiques au sein d’une association est strictement encadrée par la loi, et que la création d’une association alternative ne saurait, en elle-même, emporter reconnaissance légale du concept défendu.
Portée de la reconnaissance institutionnelle : agrément, habilitation et participation aux instances consultatives
L’agrément au titre de l’article L141-1 du Code de l’environnement, ou la reconnaissance d’utilité publique, confère à l’association une capacité renforcée d’agir en justice et de participer à certaines instances consultatives, mais n’emporte pas reconnaissance légale du concept défendu. Selon l’, « cet agrément est attribué dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat. Il est valable pour une durée limitée et dans un cadre déterminé en tenant compte du territoire sur lequel l’association exerce effectivement les activités énoncées au premier alinéa. Il peut être renouvelé. Il peut être abrogé lorsque l’association ne satisfait plus aux conditions qui ont conduit à le délivrer. » L’agrément atteste de la conformité de l’objet statutaire aux finalités d’intérêt général, mais ne consacre pas, en soi, la reconnaissance légale du concept alternatif à la chasse.
La participation aux instances consultatives, la capacité d’agir en justice pour la défense de l’environnement, ou la reconnaissance d’utilité publique, sont subordonnées à l’obtention d’un agrément ou d’une habilitation spécifique, qui suppose le respect de critères objectifs et une décision de l’autorité administrative compétente. La création d’une association alternative à la chasse, même régulièrement déclarée, ne confère donc pas, en elle-même, une reconnaissance institutionnelle du concept défendu.
Synthèse des apports jurisprudentiels et législatifs
L’ensemble des textes et décisions analysés convergent vers une même conclusion : la création d’une association alternative à la chasse, telle que la SCAPE, ne constitue pas, en soi, une reconnaissance légale du concept qu’elle défend. La reconnaissance institutionnelle ou juridique d’un concept alternatif à la chasse suppose, au-delà de la création de la personne morale, soit une consécration législative ou réglementaire, soit l’obtention d’un agrément ou d’une habilitation spécifique, qui ne sont pas automatiques et requièrent le respect de critères objectifs.
La jurisprudence européenne et nationale confirme que la reconnaissance institutionnelle d’un objet statutaire ou d’un concept défendu par une association requiert le respect de procédures et de critères objectifs, et ne découle pas automatiquement de la création de la personne morale. L’agrément au titre de l’article L141-1 du Code de l’environnement, ou la reconnaissance d’utilité publique, confèrent à l’association une capacité renforcée d’agir en justice et de participer à certaines instances consultatives, mais n’emportent pas reconnaissance légale du concept défendu.
Conclusion
En définitive, la création d’une association alternative à la chasse, telle que la SCAPE, ne constitue pas une reconnaissance légale du concept qu’elle défend. La reconnaissance juridique du concept suppose, au-delà de la simple existence de l’association, soit une consécration législative ou réglementaire, soit l’obtention d’un agrément ou d’une habilitation spécifique par l’autorité administrative compétente. La jurisprudence, tant nationale qu’européenne, confirme que la reconnaissance institutionnelle d’un objet statutaire ou d’un concept défendu par une association requiert le respect de procédures et de critères objectifs, et ne découle pas automatiquement de la création de la personne morale. La reconnaissance institutionnelle du concept alternatif à la chasse suppose donc, en l’état du droit positif, une démarche spécifique auprès de l’autorité administrative compétente, et ne saurait résulter de la seule création de l’association.
Synthèse
En résumé, la reconnaissance juridique d’un concept alternatif à la chasse ne découle pas de la seule création d’une association, mais suppose une démarche spécifique d’agrément ou de consécration législative ou réglementaire.
Fondements juridiques d’une réforme législative pour la reconnaissance d’associations alternatives à la chasse
La question posée invite à déterminer les bases juridiques permettant d’imposer une réforme législative en vue de reconnaître un statut spécifique à une association alternative à la chasse, telle que la scape, dont la philosophie et la gestion de la faune sauvage s’opposent fondamentalement à celles des associations de chasse agréées. Cette problématique s’inscrit dans un contexte où le droit positif français, structuré autour des associations communales et intercommunales de chasse agréées (ACCA et AICA), ne prévoit pas de statut pour des groupements dont l’objet serait la préservation de la faune sans pratique cynégétique, voire l’opposition à la chasse. L’analyse qui suit expose d’abord le cadre législatif actuel, puis examine la jurisprudence relative à la conciliation entre droit de propriété, liberté d’association, gestion de la faune et intérêt général, afin d’identifier les leviers juridiques justifiant une réforme.
En synthèse, le droit positif français, tel qu’il résulte du Code de l’environnement, consacre la chasse organisée comme le régime de droit commun, tout en ménageant des exceptions limitées pour les opposants à la chasse. Toutefois, la jurisprudence, tant nationale qu’européenne, a souligné la nécessité de respecter le droit de propriété, la liberté d’association et la proportionnalité des atteintes à ces droits fondamentaux. Ces principes, conjugués à l’évolution des attentes sociétales en matière de biodiversité et de gestion non cynégétique de la faune, constituent les fondements juridiques d’une réforme législative permettant la reconnaissance d’associations alternatives à la chasse.
Cadre législatif actuel des associations de chasse et de la gestion de la faune
Le droit français organise la gestion de la faune sauvage et la pratique de la chasse principalement à travers les associations communales et intercommunales de chasse agréées. Selon l’, « Les associations communales et intercommunales de chasse agréées ont pour but d’assurer une bonne organisation technique de la chasse. Elles favorisent sur leur territoire le développement du gibier et de la faune sauvage dans le respect d’un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique, l’éducation cynégétique de leurs membres, la régulation des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts et veillent au respect des plans de chasse en y affectant les ressources appropriées en délivrant notamment des cartes de chasse temporaire. Elles ont également pour objet d’apporter la contribution des chasseurs à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages. Leur activité s’exerce dans le respect des propriétés, des cultures et des récoltes, et est coordonnée par la fédération départementale des chasseurs. Les associations communales et intercommunales de chasse agréées collaborent avec l’ensemble des partenaires du monde rural. »
Ce texte consacre la chasse organisée comme mode de gestion de la faune, tout en intégrant des objectifs de conservation. Il ne prévoit pas la possibilité pour une association alternative, fondée sur une philosophie non cynégétique, de se voir reconnaître un statut équivalent à celui des ACCA ou d’exercer une gestion de la faune indépendante de la chasse.
L’ précise les conditions d’admission des membres dans les ACCA, en listant les catégories de personnes pouvant y adhérer, et prévoit que « Sauf s’il a manifesté son opposition à la chasse dans les conditions fixées par le 5° de l’article L. 422-10, le propriétaire non chasseur dont les terrains sont incorporés dans le territoire de l’association est à sa demande et gratuitement membre de l’association, sans être tenu à l’éventuelle couverture du déficit de l’association. L’association effectue auprès de lui les démarches nécessaires. » Ce dispositif ne permet pas à un propriétaire opposé à la chasse de créer une structure alternative dotée d’un pouvoir de gestion sur la faune de ses terrains, mais seulement de s’opposer à l’incorporation de ses terres à l’ACCA, dans des conditions strictement encadrées.
L’ énumère les terrains exclus du périmètre d’une ACCA, notamment ceux ayant fait l’objet de l’opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d’un seul tenant supérieures aux seuils légaux, ou ceux dont les propriétaires, pour des raisons de convictions personnelles opposées à la chasse, interdisent l’exercice de la chasse sur leurs biens. Il dispose : « Ayant fait l’objet de l’opposition de propriétaires, de l’unanimité des copropriétaires indivis qui, au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, interdisent, y compris pour eux-mêmes, l’exercice de la chasse sur leurs biens, sans préjudice des conséquences liées à la responsabilité du propriétaire, notamment pour les dégâts qui pourraient être causés par le gibier provenant de ses fonds. » Cette disposition, bien que reconnaissant le droit d’opposition, ne crée pas de statut pour une association alternative à la chasse.
Enfin, l’ rappelle que « La qualité de membre d’une association communale de chasse confère le droit de chasser sur l’ensemble du territoire de chasse de l’association, conformément à son règlement. » Ce droit est indissociable de l’adhésion à la philosophie cynégétique de l’association, ce qui exclut de facto les associations alternatives.
La jurisprudence : conciliation entre droit de propriété, liberté d’association et gestion cynégétique
La jurisprudence européenne et nationale a été amenée à se prononcer sur la compatibilité du régime des ACCA avec les droits fondamentaux, en particulier le droit de propriété et la liberté d’association, ainsi que sur la proportionnalité des atteintes portées à ces droits par l’incorporation forcée de terrains dans le périmètre d’une ACCA.
Dans son avis consultatif, la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé que la réforme de 1964 visait à démocratiser la chasse et à éviter le morcellement des territoires cynégétiques, mais au prix d’une atteinte sérieuse au droit de propriété. Elle souligne que « la chasse communale organisée doit, dans cette optique, représenter le droit commun auquel vont toutes les faveurs de la loi, et la chasse privée rester l’exception. […] L’objectif de démocratisation de la chasse poursuivi par la loi — au prix, il est vrai, d’une atteinte sérieuse au droit de propriété — s’en trouverait compromis » ( : « Le sens général de la réforme de 1964 est clair. Il ne s’agit pas seulement de constituer des territoires cynégétiques viables, donc d’une superficie minimale, ce à quoi les regroupements privés, à condition d’être effectifs, parviennent théoriquement aussi bien que les associations communales. Il s’agit surtout de redonner vie à ce que de nombreux parlementaires ont appelé la chasse « banale », c’est-à-dire ouverte à tous, en évitant les excès qui, notamment dans les départements du Midi, ont entraîné le dépeuplement très rapide du gibier. La chasse communale organisée doit, dans cette optique, représenter le droit commun auquel vont toutes les faveurs de la loi, et la chasse privée rester l’exception. […] L’objectif de démocratisation de la chasse poursuivi par la loi — au prix, il est vrai, d’une atteinte sérieuse au droit de propriété — s’en trouverait compromis : il n’est même pas sûr que les territoires cynégétiques privés ainsi reconstitués soient une réalité. »).
La Cour européenne a également admis que le législateur pouvait justifier une différence de traitement par des objectifs d’intérêt général, tels que la gestion rationnelle du patrimoine cynégétique, mais a rappelé que toute mesure doit être proportionnée et respecter la marge d’appréciation des États ( : « La Cour a souligné que les différences de traitement doivent avoir une justification objective et raisonnable, et que le législateur doit démontrer que les moyens employés sont proportionnés aux objectifs visés. »).
Dans l’affaire Schneider c. Luxembourg, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que l’inclusion forcée d’un propriétaire opposé à la chasse dans un syndicat de chasse constituait une ingérence disproportionnée dans son droit de propriété et sa liberté d’association, rompant le juste équilibre entre l’intérêt général et les droits fondamentaux de l’individu ( : « La Cour a estimé que l’inclusion forcée de la requérante dans un syndicat de chasse, qui a décidé du relaissement du droit de chasse, constitue une ingérence dans son droit de propriété, rompt le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les droits fondamentaux de l’individu. »).
Au niveau national, le Conseil d’État a jugé que le régime des ACCA répond à un motif d’intérêt général, visant à prévenir une pratique désordonnée de la chasse et à favoriser une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique. Toutefois, il a censuré la différence de traitement manifestement disproportionnée consistant à réserver le droit de retrait d’une ACCA aux seules personnes physiques propriétaires d’un terrain de chasse supérieur au seuil minimal, à l’exclusion des regroupements de propriétaires, au nom du principe d’égalité ( : « Le régime des associations de chasse agréées répond à un motif d’intérêt général, visant à prévenir une pratique désordonnée de la chasse et à favoriser une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique, notamment en encourageant la pratique de la chasse sur des territoires d’une superficie suffisamment importante. […] il ne saurait, en revanche, conduire à instaurer la différence de traitement, manifestement disproportionnée, consistant à réserver par principe aux seules personnes physiques propriétaires d’un terrain de chasse supérieur au seuil minimal le droit de demander le retrait de leur fonds du territoire d’une ACCA déjà constituée et à en exclure les propriétaires qui atteignent ce seuil minimal en se regroupant en vue d’exercer ensemble leurs droits de chasse. Par suite, l’article R. 422-53 du code de l’environnement méconnait, dans cette mesure, le principe d’égalité. »).
Cette jurisprudence met en lumière la nécessité de concilier l’intérêt général de la gestion cynégétique avec le respect des droits fondamentaux, et ouvre la voie à une réflexion sur la reconnaissance d’associations alternatives, dès lors que l’atteinte aux droits des propriétaires ou des opposants à la chasse serait disproportionnée ou injustifiée.
Les principes constitutionnels et européens mobilisables pour une réforme
Le droit de propriété, la liberté d’association et le principe d’égalité devant la loi sont protégés tant par la Constitution française que par la Convention européenne des droits de l’homme. L’atteinte à ces droits ne peut être justifiée que par un motif d’intérêt général et doit être proportionnée à l’objectif poursuivi.
La jurisprudence précitée de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil d’État montre que la gestion collective de la faune par les ACCA, si elle répond à un intérêt général, ne saurait justifier une exclusion systématique des propriétaires ou des associations opposées à la chasse, ni leur imposer une adhésion forcée à une structure dont la philosophie leur est étrangère. Dès lors, la reconnaissance d’un statut spécifique pour des associations alternatives à la chasse, telles que la scape, pourrait être fondée sur la nécessité de garantir le respect effectif du droit de propriété et de la liberté d’association, ainsi que sur l’exigence de proportionnalité des atteintes à ces droits.
Par ailleurs, l’ rappelle que les ACCA doivent collaborer avec l’ensemble des partenaires du monde rural, ce qui pourrait justifier l’intégration de structures alternatives dans la gestion de la faune, en cohérence avec l’évolution des attentes sociétales en matière de biodiversité et de protection animale.
Les limites du droit positif et la nécessité d’une réforme législative
Le droit positif ne prévoit pas la possibilité pour une association alternative à la chasse d’obtenir un statut équivalent à celui des ACCA, ni d’exercer une gestion de la faune indépendante de la chasse. Les propriétaires opposés à la chasse ne peuvent, au mieux, que s’opposer à l’incorporation de leurs terrains dans une ACCA, sans pouvoir organiser collectivement une gestion alternative de la faune.
La jurisprudence met en évidence que cette situation peut conduire à des atteintes disproportionnées au droit de propriété et à la liberté d’association, notamment lorsque l’incorporation forcée de terrains dans une ACCA ne laisse pas de place à une gestion non cynégétique de la faune. La reconnaissance d’un statut pour des associations alternatives, fondée sur le respect des droits fondamentaux et la proportionnalité des atteintes, constituerait une réponse adaptée à ces exigences.
Conclusion
En définitive, les fondements juridiques permettant d’imposer une réforme législative en vue de reconnaître un statut spécifique à une association alternative à la chasse reposent sur la nécessité de concilier l’intérêt général de la gestion de la faune avec le respect du droit de propriété, de la liberté d’association et du principe d’égalité devant la loi. La jurisprudence européenne et nationale a rappelé que toute atteinte à ces droits doit être justifiée par un motif d’intérêt général et proportionnée à l’objectif poursuivi. L’évolution des attentes sociétales en matière de biodiversité et de gestion non cynégétique de la faune renforce la légitimité d’une telle réforme, qui permettrait de reconnaître et d’encadrer juridiquement des associations alternatives à la chasse, telles que la scape.
Synthèse
En conclusion, la reconnaissance d’un statut pour une association alternative à la chasse, telle que la scape, trouve son fondement dans la nécessité de respecter les droits fondamentaux des propriétaires et des opposants à la chasse, tout en assurant une gestion équilibrée de la faune. La jurisprudence impose que toute réforme soit justifiée par un motif d’intérêt général et proportionnée, ouvrant ainsi la voie à une adaptation législative permettant la coexistence de modèles de gestion cynégétique et non cynégétique.
L’analyse du droit positif et de la jurisprudence révèle que la chasse, en tant qu’activité réglementée, occupe une place centrale dans la gestion de la faune sauvage et la préservation de la biodiversité, et qu’elle est expressément reconnue comme poursuivant un objectif d’intérêt général. La notion de « scape » n’apparaît pas dans les textes législatifs ou la jurisprudence fournis, ce qui limite son analyse juridique au regard de l’intérêt général. En revanche, la chasse fait l’objet d’un encadrement législatif et jurisprudentiel dense, qui en précise les finalités, les modalités et les limites, notamment au regard de la gestion durable des écosystèmes, de la protection de la biodiversité et de la conciliation avec d’autres intérêts collectifs.
Conclusion
L’égalité de droit entre la scape et la chasse dans la gestion de la faune sauvage et la préservation de la biodiversité n’est pas assurée dans le droit positif actuel. La chasse bénéficie d’une reconnaissance explicite comme activité d’intérêt général, structurée par un ensemble de dispositifs législatifs et réglementaires, tandis que la scape demeure absente du champ normatif, malgré son potentiel en matière de connaissance, de valorisation et de préservation de la faune sauvage.
Pour rétablir cette égalité et permettre à la scape d’occuper une place centrale dans la gestion de la faune, il conviendrait d’engager une réforme législative visant à reconnaître explicitement la scape comme activité d’intérêt général, de l’intégrer dans les dispositifs de gestion cynégétique et de favoriser son développement dans les espaces protégés. Une telle évolution permettrait de concilier les objectifs de préservation de la biodiversité, de valorisation des écosystèmes et de respect des usages non destructifs de la nature, dans une perspective de gestion durable et partagée du patrimoine faunique.