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SCAPE

L’alternative
à la chasse

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Modification du code rural

Modifications législatives nécessaires pour garantir les droits d’une association alternative à la chasse en droit français

Avant d’entrer dans le détail des modifications législatives requises, il convient de rappeler que le droit français de la chasse repose sur un équilibre entre la préservation de la biodiversité, la gestion cynégétique et la reconnaissance d’un droit de chasse collectif, notamment à travers le système des associations communales et intercommunales de chasse agréées (ACCA/AICA). Or, la création et la reconnaissance d’une association alternative à la chasse, dont l’objet serait incompatible avec la pratique cynégétique et viserait à remplacer la chasse dans la gestion de la faune sauvage, nécessitent une refonte profonde de plusieurs dispositions du Code de l’environnement et du Code rural. Cette refonte doit également s’inscrire dans le respect des exigences constitutionnelles et conventionnelles, notamment celles issues de la Convention européenne des droits de l’homme, telles qu’interprétées par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Les principales conclusions qui se dégagent de l’analyse du droit positif et de la jurisprudence sont les suivantes : le système actuel accorde une prérogative de gestion exclusive du territoire à la chasse, limite la possibilité pour des propriétaires ou des associations de propriétaires de s’opposer à la chasse, et ne prévoit pas de statut pour des associations dont l’objet serait la préservation de la faune sans recours à la chasse. Pour garantir les droits d’une telle association alternative, il serait nécessaire de modifier en profondeur les articles relatifs à la constitution, aux missions, à la composition et aux prérogatives des ACCA/AICA, ainsi que les dispositions relatives à l’opposition à la chasse et à la gestion de la faune sauvage.

Cadre législatif actuel des ACCA et de la gestion de la faune sauvage

Le système des ACCA est régi par un ensemble d’articles du Code de l’environnement, qui définissent leur objet, leur mode de constitution, leurs membres, leurs statuts et leur fonctionnement. Selon l’Article L422-2 du Code de l’environnement« Les associations communales et intercommunales de chasse agréées ont pour but d’assurer une bonne organisation technique de la chasse. Elles favorisent sur leur territoire le développement du gibier et de la faune sauvage dans le respect d’un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique, l’éducation cynégétique de leurs membres, la régulation des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts et veillent au respect des plans de chasse en y affectant les ressources appropriées en délivrant notamment des cartes de chasse temporaire. Elles ont également pour objet d’apporter la contribution des chasseurs à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages. Leur activité s’exerce dans le respect des propriétés, des cultures et des récoltes, et est coordonnée par la fédération départementale des chasseurs. Les associations communales et intercommunales de chasse agréées collaborent avec l’ensemble des partenaires du monde rural. »

Cette disposition consacre la chasse comme mode de gestion principal de la faune sauvage, en excluant toute alternative non cynégétique. Les statuts des ACCA doivent être conformes à ces objectifs, à l’exclusion de tout autre, notamment de la location de leurs droits de chasse, comme le précise l’Article R422-63 du Code de l’environnement : « Les statuts de l’association communale de chasse agréée doivent comprendre, outre les dispositions déjà prévues par les articles L. 422-21 et L. 422-22, les dispositions ci-après : 1° L’énoncé de ses objets conformes à ceux prévus à l’article L. 422-2, à l’exclusion de tout autre, notamment de la location de ses droits de chasse (…) ».

L’Article L422-21 du Code de l’environnement organise l’admission des membres des ACCA, en privilégiant les titulaires du permis de chasser, les propriétaires ayant fait apport de leur droit de chasse, et prévoit un pourcentage minimal de chasseurs extérieurs. Il n’existe aucune disposition permettant à une association dont l’objet serait incompatible avec la chasse d’être reconnue ou d’exercer une gestion alternative du territoire.

Par ailleurs, l’Article L422-10 du Code de l’environnement prévoit la possibilité pour certains propriétaires de s’opposer à l’incorporation de leurs terrains dans le territoire de l’ACCA, mais uniquement dans des conditions restrictives, notamment pour des raisons de convictions personnelles opposées à la chasse, et sous réserve de respecter des seuils de superficie.

Enfin, l’Article L422-18 du Code de l’environnement précise que l’opposition à la chasse ne prend effet qu’à l’expiration d’une période de cinq ans, et que le droit d’opposition est réservé aux propriétaires ou associations de propriétaires ayant une existence reconnue lors de la création de l’ACCA.

Analyse de la jurisprudence sur la compatibilité du système ACCA avec les droits fondamentaux

La jurisprudence européenne et nationale a eu l’occasion de se prononcer sur la compatibilité du système ACCA avec les droits fondamentaux, notamment le droit de propriété et la liberté de conscience.

La jurisprudence de la CEDH, dans l’affaire CEDH, Cour (grande chambre), AFFAIRE CHABAUTY c. FRANCE, 4 octobre 2012, 57412/08, a jugé que « le régime des associations de chasse agréées répond à un motif d’intérêt général, visant à prévenir une pratique désordonnée de la chasse et à favoriser une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique ; que les propriétaires adeptes de la chasse qui apportent leurs terrains bénéficient, conformément à l’article L. 422-21 du code de l’environnement, d’une admission de droit à l’association de chasse et, par conséquent, du droit de chasse sur l’ensemble du territoire de l’association ; qu’ainsi, les propriétaires de terrains d’une superficie inférieure à celles mentionnées au 3o de l’article L. 422-10 du même code se trouvent placés devant l’alternative de renoncer à leur droit de chasse en invoquant des convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse ou d’apporter leurs terrains à l’ACCA, tout en bénéficiant des compensations qui viennent d’être rappelées ; qu’ainsi, ce système ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété, et ne méconnaît pas les stipulations de l’article 1er du [Protocole no 1] ».

La Cour a donc validé le système ACCA au regard du droit de propriété, sous réserve de la possibilité pour les propriétaires de s’opposer à la chasse pour des motifs de conscience. Toutefois, elle n’a pas envisagé la possibilité d’une gestion alternative du territoire par une association non cynégétique.

Dans l’affaire CEDH, Cour (grande chambre), AFFAIRE HERRMANN c. ALLEMAGNE, 26 juin 2012, 9300/07, la Cour a jugé que « l’obligation de tolérer la chasse sur ses terres impose une charge disproportionnée au requérant, violant ainsi son droit au respect de ses biens », en l’absence de possibilité effective de s’opposer à la chasse pour des motifs de conscience. Cette décision souligne la nécessité de prévoir des alternatives effectives à la chasse pour respecter les droits fondamentaux des propriétaires.

La question de la différence de traitement entre associations de propriétaires selon leur date de création a également été examinée par la CEDH dans son avis consultatif relatif à la différence de traitement entre les associations de propriétaires « ayant une existence reconnue à la date de la création d’une ACCA » et celles créées ultérieurement, qui rappelle que « la différence de traitement pourrait relever du champ d’application de l’article 14 de la Convention, et a souligné l’importance d’examiner si les personnes concernées se trouvent dans des situations analogues ».

Enfin, la jurisprudence nationale, notamment Cour d’appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 18 décembre 2018, n° 17/02088, rappelle que « compte tenu de sa mission de service public, une association communale de chasse agrée ne dispose pas de l’entière liberté de choisir ses membres, doit admettre les personnes présentant les conditions définies par la loi, comporte des membres de droit (propriétaires fonciers) et doit accueillir un minimum de chasseurs extérieurs (10% selon l’article R 422-63 du code de l ‘environnement), que dans la mesure où le quota n’est pas atteint, le refus d’adhésion ne peut par conséquent reposer que sur de justes motifs ».

Modifications législatives nécessaires pour garantir les droits d’une association alternative à la chasse

Au regard du cadre législatif et jurisprudentiel précité, la reconnaissance des droits d’une association alternative à la chasse, dont l’activité serait incompatible avec la chasse et viserait à remplacer la chasse dans la gestion de la faune sauvage, impliquerait les modifications suivantes :

Premièrement, il serait nécessaire de modifier l’Article L422-2 du Code de l’environnement afin d’élargir l’objet des associations gestionnaires du territoire à la préservation de la faune sauvage sans recours à la chasse. L’article devrait prévoir explicitement la possibilité pour des associations ayant pour objet la protection de la faune et la gestion non létale des populations animales d’être reconnues et d’exercer les mêmes prérogatives que les ACCA.

Deuxièmement, l’Article R422-63 du Code de l’environnement devrait être modifié pour permettre l’énoncé d’objets alternatifs à la chasse dans les statuts des associations gestionnaires du territoire, et non plus exclusivement la chasse. Il conviendrait également de supprimer l’exclusion de tout autre objet que la chasse, et d’ouvrir la possibilité d’une gestion non cynégétique.

Troisièmement, l’Article L422-21 du Code de l’environnement devrait être réécrit pour permettre l’admission de membres dont l’objet ou la pratique est incompatible avec la chasse, et prévoir la possibilité pour des associations alternatives d’être gestionnaires du territoire, avec des droits équivalents à ceux des ACCA.

Quatrièmement, l’Article L422-10 du Code de l’environnement devrait être modifié pour élargir les motifs d’opposition à la chasse, en permettant aux propriétaires et aux associations de propriétaires de s’opposer à la chasse non seulement pour des motifs de conscience, mais aussi pour permettre la gestion alternative du territoire par une association non cynégétique.

Cinquièmement, l’Article L422-18 du Code de l’environnement devrait être adapté pour permettre à toute association de propriétaires, quelle que soit sa date de création, de retirer ses terrains du périmètre d’une ACCA afin de les confier à une association alternative, et ce sans restriction de délai ou de superficie.

Sixièmement, il conviendrait de modifier l’Article L422-5 du Code de l’environnement pour permettre la création d’associations alternatives à la chasse dans les mêmes conditions que les ACCA, et de prévoir leur agrément par la fédération départementale des chasseurs ou par une instance indépendante.

Septièmement, l’Article R422-2 du Code de l’environnement devrait être modifié pour prévoir que toute modification des statuts ou du règlement intérieur d’une association alternative à la chasse soit soumise à l’approbation d’une autorité compétente, et non exclusivement du président de la fédération départementale des chasseurs.

Enfin, il serait nécessaire de modifier l’Article R213-52 du Code forestier (nouveau) pour permettre la location de gré à gré de territoires à des associations alternatives à la chasse, et non plus exclusivement à des associations de chasse.

Prise en compte des exigences européennes et de la jurisprudence

La jurisprudence européenne, notamment CEDH, Cour (grande chambre), AFFAIRE HERRMANN c. ALLEMAGNE, 26 juin 2012, 9300/07, impose que le système national respecte le droit de propriété et la liberté de conscience, en offrant une alternative effective à la chasse pour les propriétaires qui s’y opposent. La France a jusqu’à présent satisfait à cette exigence en permettant l’opposition à la chasse pour des motifs de conscience, mais n’a pas prévu de gestion alternative du territoire.

La jurisprudence nationale, telle que Cour de cassation, Chambre civile 3, 28 avril 2011, 09-71.178, Inédit, rappelle que « les membres d’une association communale de chasse agréée ne sauraient se voir priver du droit de chasser ou voir ce droit limité, à moins que la loi ou les règlements imposent une telle limitation », ce qui implique que toute modification législative devra prévoir explicitement la possibilité de limiter ou de supprimer le droit de chasse au profit d’une gestion alternative.

Enfin, la jurisprudence administrative, notamment Conseil d’Etat, du 21 avril 2000, 210346, inédit au recueil Lebon, rappelle que « les autorités nationales sont seules compétentes pour décider de la forme à donner à [l’exécution des directives européennes] et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire leurs effets en droit interne, ces autorités ne peuvent édicter des dispositions qui seraient incompatibles avec les objectifs définis par ces directives ». Toute réforme devra donc être compatible avec les objectifs de conservation de la faune sauvage fixés par la directive 2009/147/CE.

Conclusion

En synthèse, la reconnaissance des droits d’une association alternative à la chasse, dont l’activité est incompatible avec la chasse et vise à remplacer la chasse dans la gestion de la faune sauvage, nécessite une réforme profonde du Code de l’environnement et du Code rural. Cette réforme doit porter sur l’objet, la composition, les missions et les prérogatives des associations gestionnaires du territoire, sur les conditions d’opposition à la chasse, et sur la possibilité de confier la gestion du territoire à des associations non cynégétiques. Elle doit également garantir la compatibilité du droit national avec les exigences européennes et conventionnelles, telles qu’interprétées par la jurisprudence de la CEDH et du Conseil d’Etat.

Synthèse

Thème Dispositions actuelles Modifications nécessaires
Objet des ACCA Exclusivement la chasse et la gestion cynégétique (Article L422-2) Élargir à la gestion non cynégétique et à la préservation de la faune sauvage
Statuts des associations Doivent exclure tout objet autre que la chasse (Article R422-63) Permettre des objets alternatifs à la chasse
Admission des membres Réservée aux chasseurs et propriétaires chasseurs (Article L422-21) Ouvrir aux membres d’associations alternatives
Opposition à la chasse Possible seulement pour motifs de conscience et sous conditions (Article L422-10) Élargir les motifs et faciliter l’opposition pour gestion alternative
Droit de retrait des associations de propriétaires Limité aux associations existant lors de la création de l’ACCA (Article L422-18) Permettre le retrait à toute association, sans condition de date
Création d’associations gestionnaires Réservée aux ACCA (Article L422-5) Ouvrir la création à des associations alternatives
Location de territoires Réservée aux associations de chasse (Article R213-52 du Code forestier) Permettre la location à des associations alternatives
Compatibilité européenne Système validé sous réserve d’alternatives effectives (CEDH HerrmannCEDH Chabauty) Prévoir une gestion alternative conforme aux droits fondamentaux

Cette réforme, d’ampleur, serait la condition nécessaire pour garantir l’effectivité des droits d’une association alternative à la chasse en droit français.

Impact de la création d’associations alternatives à la chasse sur la gestion de la faune sauvage en France

La question de l’influence potentielle de la création d’associations alternatives à la chasse sur la gestion de la faune sauvage en France s’inscrit dans un contexte juridique et institutionnel marqué par la prééminence historique des structures cynégétiques dans la gestion de la faune et de ses habitats. L’analyse du cadre légal et de la jurisprudence récente permet de cerner les marges de manœuvre, les obstacles et les perspectives d’évolution qu’ouvrirait l’émergence de telles associations, tant sur le plan de la gouvernance que sur celui de la préservation de la biodiversité.

En synthèse, la création d’associations alternatives à la chasse pourrait, si elle s’accompagne d’une reconnaissance institutionnelle et d’une adaptation du droit positif, contribuer à une diversification des acteurs impliqués dans la gestion de la faune sauvage, à une meilleure prise en compte des enjeux de conservation et à un rééquilibrage des usages des espaces naturels. Toutefois, le droit actuel confère aux structures cynégétiques un rôle central, et la jurisprudence souligne la nécessité d’un intérêt général et d’une proportionnalité dans toute évolution du régime de gestion.

La gestion de la faune sauvage en France repose sur un socle législatif qui reconnaît à la chasse un rôle structurant dans l’équilibre des écosystèmes et la préservation de la biodiversité. Selon l’Article L420-1 du Code de l’environnement« La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d’intérêt général. La pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à cette gestion et contribue à l’équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique. Le principe de prélèvement raisonnable sur les ressources naturelles renouvelables s’impose aux activités d’usage et d’exploitation de ces ressources. Par leurs actions de gestion et de régulation des espèces dont la chasse est autorisée ainsi que par leurs réalisations en faveur des biotopes, les chasseurs contribuent au maintien, à la restauration et à la gestion équilibrée des écosystèmes en vue de la préservation de la biodiversité. Ils participent de ce fait au développement des activités économiques et écologiques dans les milieux naturels, notamment dans les territoires à caractère rural. »

Ce texte fonde la légitimité des associations de chasse, notamment les associations communales et intercommunales de chasse agréées (ACCA et AICA), dans la gestion de la faune sauvage. L’Article L422-2 du Code de l’environnement précise que ces associations « ont pour but d’assurer une bonne organisation technique de la chasse. Elles favorisent sur leur territoire le développement du gibier et de la faune sauvage dans le respect d’un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique, l’éducation cynégétique de leurs membres, la régulation des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts et veillent au respect des plans de chasse en y affectant les ressources appropriées en délivrant notamment des cartes de chasse temporaire. Elles ont également pour objet d’apporter la contribution des chasseurs à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages. Leur activité s’exerce dans le respect des propriétés, des cultures et des récoltes, et est coordonnée par la fédération départementale des chasseurs. Les associations communales et intercommunales de chasse agréées collaborent avec l’ensemble des partenaires du monde rural. »

La structuration du monde cynégétique est renforcée par l’Article L421-13 du Code de l’environnement, qui dispose que « Les associations dénommées fédérations régionales des chasseurs regroupent l’ensemble des fédérations départementales et interdépartementales d’une même région administrative du territoire métropolitain dont l’adhésion est constatée par le paiement d’une cotisation obligatoire. Elles assurent la représentation des fédérations départementales et interdépartementales des chasseurs au niveau régional. Elles conduisent et coordonnent des actions en faveur de la faune sauvage et de ses habitats. Elles mènent, en concertation avec les fédérations départementales, des actions d’information et d’éducation au développement durable en matière de connaissance et de préservation de la faune sauvage et de ses habitats ainsi qu’en matière de gestion de la biodiversité. »

Ainsi, le droit positif confère aux associations de chasse un rôle quasi-exclusif dans la gestion de la faune sauvage, tout en leur imposant des obligations de préservation des habitats et de respect de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique.

Possibilité de création et de reconnaissance d’associations alternatives

Le Code de l’environnement n’exclut pas la création d’associations ayant pour objet la protection de la faune sauvage indépendamment de la chasse. L’Article R422-64 du Code de l’environnement prévoit que « Le règlement intérieur et de chasse de l’association détermine les droits et obligations des sociétaires, l’organisation interne de l’association. Il doit assurer, en outre, par l’éducation cynégétique des membres de l’association un exercice rationnel du droit de chasse dans le respect des propriétés et des récoltes. A ce titre, il doit prévoir : […] », énumérant des obligations qui, si elles sont centrées sur la chasse, n’empêchent pas d’autres formes d’organisation associative.

Par ailleurs, l’Article D422-102 du Code de l’environnement encadre l’accès des associations à l’exploitation de la chasse sur le domaine public fluvial, en exigeant notamment qu’elles aient pour objet « non seulement l’exploitation de la chasse mais aussi l’amélioration des conditions de son exercice, la préservation de la faune sauvage et le développement du capital cynégétique dans le respect des équilibres biologiques, notamment par le gardiennage ». Cette disposition montre que la préservation de la faune sauvage peut être un objet statutaire autonome, même si, dans le régime actuel, elle reste subordonnée à l’activité cynégétique.

L’Article L422-27 du Code de l’environnement consacre l’existence de réserves de chasse et de faune sauvage, qui « ont vocation à : protéger les populations d’oiseaux migrateurs conformément aux engagements internationaux ; assurer la protection des milieux naturels indispensables à la sauvegarde d’espèces menacées ; favoriser la mise au point d’outils de gestion des espèces de faune sauvage et de leurs habitats ; contribuer au développement durable de la chasse au sein des territoires ruraux. » Ces réserves peuvent être créées à l’initiative du détenteur du droit de chasse ou de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, mais la loi n’exclut pas, en théorie, la participation d’autres acteurs à la gestion de ces espaces, sous réserve d’une évolution réglementaire.

La jurisprudence : ouverture, limites et perspectives pour les associations alternatives

La jurisprudence administrative et européenne a été amenée à se prononcer sur la légitimité des associations de protection de la nature à intervenir dans la gestion de la faune sauvage, y compris en dehors du champ cynégétique.

La Cour administrative d’appel de Nantes, dans un arrêt du 12 octobre 2012, a rappelé que les associations de protection de la nature peuvent obtenir un agrément administratif et agir en justice pour la protection de la faune sauvage. Selon la Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 12 octobre 2012, 11NT00892 : « qu’aux termes de l’article L. 141-1 dudit code : « La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d’intérêt général. La pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à cette gestion et contribue à l’équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique (…) » ; que l’article L. 421-5 de ce même code dispose que : « Les associations dénommées fédérations départementales des chasseurs participent à la mise en valeur du patrimoine cynégétique départemental, à la protection et à la gestion de la faune sauvage ainsi que de ses habitats. Elles assurent la promotion et la défense de la chasse ainsi que des intérêts de leurs adhérents. (…) » ; que, par ailleurs aux termes de l’article R. 141-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l’arrêté contesté : « Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux associations qui sollicitent l’agrément prévu à l’article L. 141-1 ou qui en bénéficient. (…) » et que l’article R. 141-2 dudit code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que :  » Les associations mentionnées à l’article R. 141-1 peuvent être agréées si, à la date de la demande d’agrément, elles justifient depuis trois ans au moins à compter de leur déclaration (…) : 1° D’un fonctionnement conforme à leurs statuts ; 2° D’activités statutaires dans les domaines mentionnés à l’article L. 141-1 ; 3° De l’exercice, à titre principal, d’activités effectives consacrées à la protection de l’environnement ; 4° De garanties suffisantes d’organisation. » ; »

La Tribunal administratif de Besançon, 1ère chambre, 13 juin 2023, n° 2000703 a confirmé que les associations de protection de la faune sauvage, telles que l’ASPAS et AVES France, sont recevables à contester les arrêtés préfectoraux relatifs à la régulation de la faune, même lorsque ces arrêtés relèvent traditionnellement de la sphère cynégétique : « Les associations ASPAS et AVES France ont contesté trois arrêtés du préfet du Jura autorisant une lutte collective contre les corvidés, considérant que ces arrêtés étaient entachés de vices de procédure et d’erreurs d’appréciation. Elles ont demandé l’annulation de ces arrêtés et la mise à la charge de l’État de frais liés au litige. »

De même, la Cour administrative d’appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), du 13 janvier 2004, 01BX01784 a jugé que « l’Association pour la protection des animaux sauvages est une association dont l’objet statutaire de protection de la faune sauvage est clairement défini comme s’exerçant au plan national pour notamment ester en justice contre les décisions administratives susceptibles de porter atteinte aux buts qu’elle s’est fixés ; que, dès lors, en l’absence de toute représentation locale, elle présente un intérêt pour agir contre les arrêtés litigieux du préfet des Landes, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que l’association requérante n’ait été agréée, au titre des associations pour la protection de la nature et de l’environnement, que dans le cadre du département de la Drôme par le préfet de ce département. »

La Cour administrative d’appel de Paris, 1re chambre, 9 mai 2019, n° 18PA01729 a précisé que la Fédération nationale des chasseurs, reconnue comme association de protection de l’environnement, ne peut agir que contre des décisions administratives ayant un rapport direct avec son objet statutaire et produisant des effets dommageables pour l’environnement : « La Fédération nationale des chasseurs a contesté la nomination de M. BA en tant que directeur général de l’agence française pour la biodiversité par un arrêté du 2 janvier 2017. […] Toutefois, l’arrêté du 2 janvier 2017 ne constitue pas une décision susceptible de produire des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel la Fédération nationale des chasseurs bénéficie de cet agrément. Le Fédération nationale des chasseurs n’est ainsi pas fondée à soutenir que son intérêt à agir devrait être présumé, sur le fondement de l’article L. 142-1 du même code. »

Enfin, la Tribunal administratif de Rennes, 5ème chambre, 5 juillet 2024, n° 2301208 rappelle que « La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d’intérêt général. La pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à cette gestion et contribue à l’équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique. / Le principe de prélèvement raisonnable sur les ressources naturelles renouvelables s’impose aux activités d’usage et d’exploitation de ces ressources. Par leurs actions de gestion et de régulation des espèces dont la chasse est autorisée ainsi que par leurs réalisations en faveur des biotopes, les chasseurs contribuent au maintien, à la restauration et à la gestion équilibrée des écosystèmes en vue de la préservation de la biodiversité. Ils participent de ce fait au développement des activités économiques et écologiques dans les milieux naturels, notamment dans les territoires à caractère rural. »

Les réserves de chasse et de faune sauvage : un modèle transposable ?

L’Article L422-27 du Code de l’environnement prévoit la création de réserves de chasse et de faune sauvage, qui peuvent être organisées en réseaux nationaux ou départementaux. Si la gestion de ces réserves est aujourd’hui confiée à l’Office français de la biodiversité et à la Fédération nationale des chasseurs, le texte n’exclut pas, en théorie, la participation d’autres acteurs, sous réserve d’une évolution réglementaire : « Les réserves de chasse et de faune sauvage ont vocation à : protéger les populations d’oiseaux migrateurs conformément aux engagements internationaux ; assurer la protection des milieux naturels indispensables à la sauvegarde d’espèces menacées ; favoriser la mise au point d’outils de gestion des espèces de faune sauvage et de leurs habitats ; contribuer au développement durable de la chasse au sein des territoires ruraux. Elles sont créées par l’autorité administrative à l’initiative du détenteur du droit de chasse ou de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs lorsqu’il s’agit de conforter des actions d’intérêt général. »

Ce modèle pourrait inspirer la création d’associations alternatives, à condition que celles-ci soient reconnues comme partenaires légitimes de l’État et des collectivités dans la gestion des espaces naturels.

Les apports et limites d’une diversification des acteurs

La création d’associations alternatives à la chasse pourrait avoir plusieurs effets sur la gestion de la faune sauvage :

Premièrement, elle permettrait une diversification des approches, en intégrant des objectifs de conservation, de recherche scientifique, d’éducation à la biodiversité ou de valorisation non extractive de la faune (écotourisme, observation, etc.), en complément ou en alternative à la régulation cynégétique.

Deuxièmement, elle favoriserait un rééquilibrage des usages des espaces naturels, en offrant aux propriétaires fonciers et aux usagers non chasseurs la possibilité de s’organiser collectivement pour la gestion de la faune, à l’instar de ce qui existe dans d’autres pays européens. La CEDH, Commission (plénière), DUMONT ET AUTRES c. la FRANCE, 1er juillet 1996, 28331/95 met en lumière la spécificité du modèle français, où « l’espace rural est confisqué au profit de la seule catégorie des chasseurs sans aucune compensation au profit de la collectivité publique », alors que le droit allemand prévoit une gestion communale du droit de chasse, ouverte à d’autres acteurs que les chasseurs.

Troisièmement, la reconnaissance d’associations alternatives pourrait renforcer la légitimité démocratique de la gestion de la faune sauvage, en associant une pluralité d’intérêts (protection de la nature, agriculture, loisirs non extractifs, etc.) et en favorisant la concertation locale.

Cependant, la jurisprudence européenne, notamment dans les CEDH, Avis consultatif relatif à la différence de traitement entre les associations de propriétaires « ayant une existence reconnue à la date de la création d’une… et CEDH, Avis consultatif relatif à la différence de traitement entre les associations de propriétaires « ayant une existence reconnue à la date de la création d’une…, rappelle que toute évolution du régime de gestion doit respecter le principe de proportionnalité et l’intérêt général, et que le législateur dispose d’une marge d’appréciation pour organiser la coexistence des différents acteurs, sous réserve de ne pas instaurer de discriminations injustifiées.

Conclusion

La création d’associations alternatives à la chasse pourrait, si elle s’accompagne d’une reconnaissance institutionnelle et d’une adaptation du cadre juridique, contribuer à une gestion plus pluraliste, plus démocratique et potentiellement plus efficace de la faune sauvage en France. Elle permettrait d’intégrer des objectifs de conservation, de recherche et d’éducation, en complément ou en alternative à la régulation cynégétique, et de répondre à la demande croissante de participation des citoyens à la gestion des espaces naturels. Toutefois, une telle évolution supposerait une réforme du droit positif, afin de garantir l’égalité d’accès à la gestion de la faune et la prise en compte de l’intérêt général, dans le respect des principes de proportionnalité et de non-discrimination.

Synthèse

Thème Référence(s) Analyse
Rôle central des associations de chasse Article L420-1 du Code de l’environnementArticle L422-2 du Code de l’environnementArticle L421-13 du Code de l’environnement Les associations de chasse sont au cœur de la gestion de la faune sauvage, avec des missions de préservation, de régulation et d’éducation.
Possibilité de création d’associations alternatives Article R422-64 du Code de l’environnementArticle D422-102 du Code de l’environnement Le droit n’exclut pas la création d’associations à objet de protection de la faune, mais leur reconnaissance institutionnelle reste limitée.
Reconnaissance des associations de protection de la nature Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 12 octobre 2012, 11NT00892Tribunal administratif de Besançon, 1ère chambre, 13 juin 2023, n° 2000703Cour administrative d’appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), du 13 janvier 2004, 01BX01784 Les associations de protection de la nature peuvent agir en justice et participer à la gestion de la faune, mais leur rôle reste subordonné à celui des structures cynégétiques.
Modèle des réserves de chasse et de faune sauvage Article L422-27 du Code de l’environnement Les réserves de chasse et de faune sauvage pourraient servir de modèle à une gestion pluraliste, sous réserve d’une évolution réglementaire.
Limites et conditions d’une diversification des acteurs CEDH, Commission (plénière), DUMONT ET AUTRES c. la FRANCE, 1er juillet 1996, 28331/95CEDH, Avis consultatif relatif à la différence de traitement entre les associations de propriétaires « ayant une existence reconnue à la date de la création d’une…CEDH, Avis consultatif relatif à la différence de traitement entre les associations de propriétaires « ayant une existence reconnue à la date de la création d’une… Toute évolution doit respecter l’intérêt général, la proportionnalité et l’égalité d’accès à la gestion de la faune sauvage.

En définitive, la création d’associations alternatives à la chasse pourrait enrichir la gestion de la faune sauvage en France, à condition d’une évolution du cadre juridique et d’une reconnaissance effective de leur rôle dans la gouvernance des espaces naturels.

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