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L’alternative
à la chasse

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Statut juridique d’une association alternative à la chasse : cadre légal, perspectives et limites

La question posée invite à déterminer quel statut juridique pourrait être conféré à une association dont l’activité, bien que proche de la chasse (gestion de la faune sauvage, régulation, animation rurale, etc.), s’en distingue par son incompatibilité avec la pratique cynégétique et par une finalité affichée de remplacement de la chasse dans le code rural et la gestion de la faune sauvage, dans une perspective de respect accru de la biodiversité et des autres usagers de la nature. Cette problématique soulève des enjeux de qualification juridique, d’accès aux dispositifs existants, de compatibilité avec le droit positif et d’éventuelles évolutions législatives.

En synthèse, le droit français actuel ne prévoit pas de statut spécifique pour une telle association alternative à la chasse, mais offre plusieurs cadres juridiques dont certains peuvent être mobilisés, notamment celui des associations agréées de protection de l’environnement. Toutefois, la substitution à la chasse dans la gestion de la faune sauvage se heurte à la structuration du droit de la chasse et à la reconnaissance institutionnelle des associations cynégétiques, ce qui limite la portée d’une telle démarche sans réforme législative. La jurisprudence récente éclaire la portée de ces statuts et les marges de manœuvre des associations environnementales.

Le droit français distingue plusieurs types d’associations intervenant dans la gestion de la faune sauvage et de la nature. Les deux principaux statuts sont ceux des associations agréées de protection de l’environnement et des associations cynégétiques (notamment les associations communales et intercommunales de chasse agréées, dites ACCA et AICA).

Selon l’Article L141-1 du Code de l’environnement, « Lorsqu’elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l’amélioration du cadre de vie, de la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, de l’urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d’une manière générale, oeuvrant principalement pour la protection de l’environnement, peuvent faire l’objet d’un agrément motivé de l’autorité administrative. (…) Ces associations sont dites « associations agréées de protection de l’environnement ». Cet agrément est attribué dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat. Il est valable pour une durée limitée et dans un cadre déterminé en tenant compte du territoire sur lequel l’association exerce effectivement les activités énoncées au premier alinéa. Il peut être renouvelé. Il peut être abrogé lorsque l’association ne satisfait plus aux conditions qui ont conduit à le délivrer. »

Ce statut permet à une association œuvrant pour la protection de l’environnement, y compris la gestion de la faune sauvage, d’obtenir un agrément administratif, sous réserve de remplir les conditions d’ancienneté, d’objet statutaire et d’activité effective. L’agrément confère des prérogatives, notamment en matière d’action en justice et de participation à certaines instances consultatives.

La jurisprudence administrative a précisé la portée de cet agrément. Ainsi, la Cour administrative d’appel de Paris, 1re chambre, 9 mai 2019, n° 18PA01729 rappelle que « Aux termes de l’article L. 141-1 du code de l’environnement : « Lorsqu’elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l’amélioration du cadre de vie, de la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, de l’urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d’une manière générale, oeuvrant principalement pour la protection de l’environnement, peuvent faire l’objet d’un agrément motivé de l’autorité administrative. La Fédération nationale des chasseurs, les fédérations régionales des chasseurs, les fédérations interdépartementales des chasseurs et les fédérations départementales des chasseurs sont éligibles à l’agrément mentionné au premier alinéa () ». Aux termes de l’article L. 142-1 du même code : « Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. Toute association de protection de l’environnement agréée au titre de l’article L. 141-1 ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels justifient d’un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l’agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément ». »

La décision précise que l’agrément permet d’agir en justice contre des décisions administratives ayant un impact sur l’environnement, mais ne confère pas un intérêt à agir automatique contre toute décision, celui-ci devant être apprécié au regard de l’objet statutaire et des effets de la décision contestée.

Par ailleurs, la Tribunal administratif de Caen, 3ème chambre, 28 février 2023, n° 2002218 rappelle que « l’association la Ligue française pour la Protection des Oiseaux, qui a pour objet social « d’agir pour l’oiseau, la faune sauvage, la nature et l’homme, et lutter contre le déclin de la biodiversité, par la connaissance, la protection, l’éducation et la mobilisation », est titulaire d’un agrément au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement depuis le 1er janvier 2018. En outre, l’Association pour la protection des animaux sauvages a pour objet, en vertu de l’article 2 de ses statuts, « d’agir pour la protection de la faune et de la flore, la réhabilitation des animaux sauvages et la conservation du patrimoine naturel en général », « quel que soit leur statut juridique ou de conservation et la défense de leurs milieux ainsi qu’à la garantie de la stricte application des lois et règlements ayant trait à la faune ou à la flore ainsi qu’aux écosystèmes dont elles dépendent ». Cette association est également titulaire d’un agrément au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement depuis le 1er janvier 2019. »

Ce cadre permet donc à des associations non cynégétiques, mais investies dans la gestion de la faune sauvage et la protection de la biodiversité, d’obtenir un agrément officiel et de participer à la vie administrative et contentieuse de la gestion de la nature.

Les associations cynégétiques : un statut spécifique et exclusif

En parallèle, le code de l’environnement organise un statut spécifique pour les associations communales et intercommunales de chasse agréées (ACCA et AICA), qui bénéficient d’un monopole local sur la gestion cynégétique.

L’Article L422-2 du Code de l’environnement dispose que « Les associations communales et intercommunales de chasse agréées ont pour but d’assurer une bonne organisation technique de la chasse. Elles favorisent sur leur territoire le développement du gibier et de la faune sauvage dans le respect d’un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique, l’éducation cynégétique de leurs membres, la régulation des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts et veillent au respect des plans de chasse en y affectant les ressources appropriées en délivrant notamment des cartes de chasse temporaire. Elles ont également pour objet d’apporter la contribution des chasseurs à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages. Leur activité s’exerce dans le respect des propriétés, des cultures et des récoltes, et est coordonnée par la fédération départementale des chasseurs. Les associations communales et intercommunales de chasse agréées collaborent avec l’ensemble des partenaires du monde rural. »

Ce statut est réservé aux associations dont l’objet principal est l’organisation de la chasse et la gestion cynégétique. Les statuts de ces associations sont strictement encadrés par la loi et le règlement, comme le rappelle l’Article R422-63 du Code de l’environnement : « Les statuts de l’association communale de chasse agréée doivent comprendre, outre les dispositions déjà prévues par les articles L. 422-21 et L. 422-22, les dispositions ci-après : 1° L’énoncé de ses objets conformes à ceux prévus à l’article L. 422-2, à l’exclusion de tout autre, notamment de la location de ses droits de chasse ; (…) »

Il en résulte qu’une association alternative à la chasse, dont l’activité serait incompatible avec la pratique cynégétique, ne pourrait pas bénéficier du statut d’ACCA ou d’AICA, ni se substituer à ces structures dans le cadre légal actuel. Le monopole local de gestion de la chasse est réservé à ces associations, et leur objet statutaire doit être strictement conforme à la réglementation cynégétique.

La jurisprudence sur la gestion de la faune sauvage et la place des associations environnementales

La jurisprudence administrative récente confirme la prééminence des associations cynégétiques dans la gestion de la faune sauvage, tout en reconnaissant la légitimité des associations de protection de l’environnement à intervenir dans le débat public et contentieux.

Ainsi, la Cour administrative d’appel de Paris, 1re chambre, 9 mai 2019, n° 18PA01729 précise que l’agrément au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement permet d’agir contre des décisions administratives ayant un impact sur l’environnement, mais ne confère pas un intérêt à agir automatique contre toute décision, celui-ci devant être apprécié au regard de l’objet statutaire et des effets de la décision contestée.

La Tribunal administratif de Bordeaux, 4ème chambre, 28 mai 2025, n° 2302554 rappelle que « L’article L. 141-1 du code de l’environnement : « Lorsqu’elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l’amélioration du cadre de vie, de la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, de l’urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d’une manière générale, œuvrant principalement pour la protection de l’environnement, peuvent faire l’objet d’un agrément motivé de l’autorité administrative. () Ces associations sont dites »associations agréées de protection de l’environnement »« . L’article L. 142-1 du même code dispose : » Toute association de protection de l’environnement agréée au titre de l’article L. 141-1 ainsi que les associations mentionnées à l’article L. 433-2 justifient d’un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l’agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément « . »

La Tribunal administratif de Caen, 3ème chambre, 28 février 2023, n° 2002218 précise que l’agrément permet à des associations de protection de la faune sauvage d’agir en justice, mais que leur intérêt à agir doit être démontré au regard de l’objet de la décision contestée.

Enfin, la CEDH, Commission (plénière), CHASSAGNOU ET AUTRES c. la FRANCE, 1er juillet 1996, 25088/94 rappelle que le droit français organise un monopole local de gestion cynégétique par les ACCA, et que l’adhésion des propriétaires à ces associations est une contrepartie de l’apport de leurs terrains, dans un but d’intérêt général de gestion de la faune et d’accès équitable à la chasse. La Commission souligne que « l’intérêt général commande certaines limitations à l’exercice du droit de propriété, [et que] les requérants (…) revendiquent en réalité un droit de non chasse, lequel n’est ni consacré par la loi interne, ni, pas plus que le droit de chasse lui même, garanti par les traités supranationaux ».

Limites et perspectives d’évolution

Le droit positif ne permet pas à une association alternative à la chasse, dont l’activité serait incompatible avec la pratique cynégétique, de se substituer aux ACCA ou AICA dans la gestion locale de la faune sauvage. Le statut d’association agréée de protection de l’environnement permet d’intervenir dans la gestion de la faune, de participer à certaines instances et d’agir en justice, mais ne confère pas de prérogatives de gestion directe du territoire cynégétique, ni de monopole local.

L’Article R422-63 du Code de l’environnement impose que l’objet des ACCA soit strictement conforme à la gestion cynégétique, à l’exclusion de tout autre, ce qui exclut la possibilité pour une association alternative d’obtenir ce statut sans réforme législative.

En revanche, une association alternative à la chasse peut obtenir l’agrément au titre de l’Article L141-1 du Code de l’environnement, sous réserve de remplir les conditions d’ancienneté, d’objet statutaire et d’activité effective, et ainsi participer à la vie administrative et contentieuse de la gestion de la faune sauvage. Elle peut également être consultée dans le cadre de certaines procédures, et agir en justice contre des décisions administratives portant atteinte à la biodiversité.

Conclusion

En l’état du droit, une association alternative à la chasse, dont l’activité serait incompatible avec la pratique cynégétique et viserait à remplacer la chasse dans la gestion de la faune sauvage, ne peut prétendre au statut d’association communale ou intercommunale de chasse agréée, ni se substituer à ces structures dans la gestion locale de la faune. Elle peut toutefois obtenir l’agrément d’association de protection de l’environnement, ce qui lui confère des droits d’action et de participation, mais pas de monopole de gestion. Toute évolution vers une substitution réelle à la chasse dans la gestion de la faune sauvage supposerait une réforme législative profonde du code de l’environnement et du code rural.

Synthèse

Thème Référence(s) Analyse
Statut des associations de protection de l’environnement Article L141-1 du Code de l’environnement, Cour administrative d’appel de Paris, 1re chambre, 9 mai 2019, Tribunal administratif de Caen, 28 février 2023, Tribunal administratif de Bordeaux, 28 mai 2025 Permet l’agrément d’associations œuvrant pour la protection de la nature et la gestion de la faune sauvage, avec des droits d’action en justice et de participation administrative, mais sans monopole de gestion locale.
Statut des associations cynégétiques (ACCA/AICA) Article L422-2 du Code de l’environnement, Article R422-63 du Code de l’environnement Réservé aux associations dont l’objet est l’organisation de la chasse et la gestion cynégétique, avec monopole local et encadrement strict des statuts.
Impossibilité de substitution sans réforme CEDH, Commission (plénière), CHASSAGNOU ET AUTRES c. la FRANCE, 1er juillet 1996 Le droit français organise un monopole local de gestion cynégétique, la substitution par une association alternative n’est pas prévue par la loi actuelle.
Intérêt à agir des associations environnementales Cour administrative d’appel de Paris, 1re chambre, 9 mai 2019, Tribunal administratif de Caen, 28 février 2023 L’agrément permet d’agir en justice contre des décisions administratives ayant un impact sur l’environnement, mais l’intérêt à agir doit être démontré au cas par cas.
Limites du cadre actuel Article R422-63 du Code de l’environnement L’objet des ACCA/AICA doit être strictement cynégétique, excluant toute association alternative incompatible avec la chasse.
Perspectives d’évolution Toute substitution réelle supposerait une réforme législative du code de l’environnement et du code rural.

Sources citées

CEDH, Commission (plénière), CHASSAGNOU ET AUTRES c. la FRANCE, 1er juillet 1996, 25088/94. Lire en ligne :
https://doctrine.fr/d/CEDH/HFDEC/DECCOMMISSION/1996/CEDH001-27995

Cour administrative d’appel de Paris, 1re chambre, 9 mai 2019, n° 18PA01729. Lire en ligne :
https://doctrine.fr/d/CAA/Paris/2019/7A604A935BD69EBB908B

Tribunal administratif de Caen, 3ème chambre, 28 février 2023, n° 2002218. Lire en ligne :
https://doctrine.fr/d/TA/Caen/2023/TA7414D9A8D1BFE779688B

Tribunal administratif de Bordeaux, 4ème chambre, 28 mai 2025, n° 2302554. Lire en ligne :
https://doctrine.fr/d/TA/Bordeaux/2025/TA99824C26A4307D8176A1

Article L141-1 du Code de l’environnement. Lire en ligne :
https://doctrine.fr/l/texts/codes/LEGITEXT000006074220/articles/LEGIARTI000006832961?version=LEGIARTI000026849156

Article L422-2 du Code de l’environnement. Lire en ligne :
https://doctrine.fr/l/texts/codes/LEGITEXT000006074220/articles/LEGIARTI000006833811?version=LEGIARTI000033035662

Article R422-63 du Code de l’environnement. Lire en ligne :
https://doctrine.fr/l/texts/codes/LEGITEXT000006074220/articles/LEGIARTI000006838013?version=LEGIARTI000039737809