La question posée interroge la possibilité, pour une association alternative à la chasse, d’adopter un statut juridique qui lui permettrait de rendre obsolètes les associations de chasse et d’éradiquer la pratique de la chasse, à l’image de l’abolition de l’esclavage ou d’autres pratiques considérées comme barbares. Cette problématique soulève des enjeux complexes, à la croisée du droit des associations, du droit de la chasse, de la protection de la biodiversité et des libertés fondamentales, notamment le droit de propriété et la liberté d’association. L’analyse qui suit expose le cadre légal actuel, la structuration des associations de chasse, les marges de manœuvre pour les associations alternatives, et la portée des actions contentieuses ou militantes visant à remettre en cause la chasse en France.
En synthèse, le droit positif français ne permet pas à une association alternative à la chasse, quelle que soit sa forme, de rendre juridiquement obsolètes les associations de chasse agréées (ACCA/AICA) ni d’éradiquer la chasse par la seule adoption d’un statut particulier. La chasse est une activité strictement encadrée, organisée par la loi, et protégée par des dispositifs législatifs et réglementaires qui confèrent aux associations de chasse un rôle central dans la gestion cynégétique. Les associations alternatives peuvent néanmoins agir en justice, promouvoir des pratiques non létales, sensibiliser l’opinion et influer sur l’évolution du droit, mais elles ne disposent pas, en l’état, d’un levier statutaire permettant d’abolir la chasse sur le modèle de l’abolition de l’esclavage. La jurisprudence, tant nationale qu’européenne, confirme la légitimité du système des ACCA et la proportionnalité des atteintes portées aux droits des opposants à la chasse.
Organisation légale des associations de chasse agréées (ACCA/AICA) et leur rôle dans la gestion cynégétique
Le droit français organise la chasse principalement à travers les associations communales et intercommunales de chasse agréées (ACCA/AICA), dont la création, le fonctionnement et les missions sont strictement encadrés par le Code de l’environnement. Selon l’, « Les associations communales et intercommunales de chasse agréées ont pour but d’assurer une bonne organisation technique de la chasse. Elles favorisent sur leur territoire le développement du gibier et de la faune sauvage dans le respect d’un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique, l’éducation cynégétique de leurs membres, la régulation des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts et veillent au respect des plans de chasse en y affectant les ressources appropriées en délivrant notamment des cartes de chasse temporaire. Elles ont également pour objet d’apporter la contribution des chasseurs à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages. Leur activité s’exerce dans le respect des propriétés, des cultures et des récoltes, et est coordonnée par la fédération départementale des chasseurs. Les associations communales et intercommunales de chasse agréées collaborent avec l’ensemble des partenaires du monde rural. »
La constitution de ces associations est régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, mais leur agrément est subordonné à la décision du président de la fédération départementale des chasseurs, conformément à l’ : « Les associations sont constituées conformément à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. L’agrément leur est donné par le président de la fédération départementale des chasseurs. »
Il ne peut y avoir qu’une seule ACCA par commune, sauf décision contraire en cas de fusion de communes ( : « Il ne peut y avoir qu’une association communale agréée par commune. La fusion de communes n’entraîne ni la dissolution ni la fusion des associations communales de chasse agréées préalablement constituées dans les communes concernées, sauf décision contraire de ces associations. »).
Les statuts des ACCA doivent comporter des clauses obligatoires, notamment quant à l’admission des membres, la gestion interne, la répartition des droits de chasse, la protection des propriétés et la sécurité, comme le précisent l’ et l’. L’ dispose notamment : « Les statuts de chaque association doivent prévoir l’admission dans celle-ci des titulaires du permis de chasser validé […] Soit propriétaires ou détenteurs de droits de chasse ayant fait apport de leurs droits de chasse […] Soit preneurs d’un bien rural lorsque le propriétaire a fait apport de son droit de chasse […] Soit propriétaires d’un terrain soumis à l’action de l’association et devenus tels en vertu d’une succession ou d’une donation entre héritiers lors d’une période de cinq ans ; Soit acquéreurs d’un terrain soumis à l’action de l’association et dont les droits de chasse qui y sont attachés ont été apportés à cette association à la date de sa création. »
Le règlement intérieur des ACCA, prévu à l’, encadre strictement les droits et obligations des membres, l’organisation interne, la sécurité, la protection des propriétés et la gestion cynégétique : « Le règlement intérieur et de chasse de l’association détermine les droits et obligations des sociétaires, l’organisation interne de l’association. Il doit assurer, en outre, par l’éducation cynégétique des membres de l’association un exercice rationnel du droit de chasse dans le respect des propriétés et des récoltes. […] »
Possibilités et limites pour une association alternative à la chasse
Le droit positif ne prévoit pas la possibilité, pour une association alternative à la chasse, de se substituer aux ACCA ou d’empêcher légalement la pratique de la chasse sur un territoire donné, sauf à obtenir une modification législative ou réglementaire d’ampleur. Les ACCA bénéficient d’un monopole de gestion de la chasse sur le territoire communal, et leur existence est protégée par la loi. Les propriétaires fonciers qui s’opposent à la chasse pour des motifs éthiques peuvent exercer un droit d’opposition, mais ce droit est strictement encadré et ne permet pas de remettre en cause l’existence même des ACCA.
La jurisprudence européenne, notamment celle de la Cour européenne des droits de l’homme, a validé la compatibilité du système français des ACCA avec la Convention européenne des droits de l’homme, en particulier au regard du droit de propriété et du principe de non-discrimination. Dans l’affaire , la Cour a jugé que « le régime des associations de chasse agréées répond à un motif d’intérêt général, visant à prévenir une pratique désordonnée de la chasse et à favoriser une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique ; que les propriétaires adeptes de la chasse qui apportent leurs terrains bénéficient, conformément à l’article L. 422-21 du code de l’environnement, d’une admission de droit à l’association de chasse et, par conséquent, du droit de chasse sur l’ensemble du territoire de l’association ; qu’ainsi, les propriétaires de terrains d’une superficie inférieure à celles mentionnées au 3o de l’article L. 422-10 du même code se trouvent placés devant l’alternative de renoncer à leur droit de chasse en invoquant des convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse ou d’apporter leurs terrains à l’ACCA, tout en bénéficiant des compensations qui viennent d’être rappelées ; qu’ainsi, ce système ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété, et ne méconnaît pas les stipulations de l’article 1er du [Protocole no 1] ; Considérant que la différence de traitement entre les petits et les grands propriétaires qu’opère la loi est instituée dans l’intérêt des chasseurs propriétaires de petites parcelles, qui peuvent ainsi se regrouper pour pouvoir disposer d’un territoire de chasse plus grand ; qu’ainsi cette différence de traitement est objective et raisonnable et, dès lors que les propriétaires de petites parcelles ont toujours la possibilité d’affecter leur terrain à un usage conforme à leur choix de conscience, le système en cause ne méconnaît pas les stipulations de l’article 1er du [Protocole no 1] combinées avec celles de l’article 14 de [la] Convention ; qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur la violation de [ces dispositions] pour annuler les décisions attaquées (…) »
La Cour européenne des droits de l’homme, dans plusieurs avis consultatifs récents, a également souligné que la différence de traitement entre associations de propriétaires selon leur date de création, ou entre propriétaires individuels et regroupements, pouvait être justifiée par des objectifs d’intérêt général, tels que la gestion rationnelle du patrimoine cynégétique et la stabilité des ACCA. Ainsi, dans l’, la Cour rappelle que « le législateur pouvait justifier une différence de traitement par des objectifs d’intérêt général, tels que la gestion rationnelle du patrimoine cynégétique. » et que « les mesures doivent être proportionnées et que le législateur a une marge d’appréciation dans la mise en œuvre de politiques d’intérêt général. »
De même, le précise que « la question posée à la Cour s’inscrit dans le cadre d’une procédure pendante devant le Conseil d’État, lequel a été saisi par une fédération des forestiers privés mettant en cause une modification législative de 2019. Cette dernière entraîne, pour les propriétaires fonciers qui se sont constitués en association après la date de création d’une association communale de chasse agrée (ACCA) dans leur commune, l’impossibilité de recouvrer l’exclusivité des droits de chasse sur leurs terres qu’ils avaient perdue à l’occasion de l’apport de ces dernières, sans que leur droit de propriété en soit autrement altéré. » La Cour rappelle que la différence de traitement fondée sur la date de création d’une personne morale peut relever du champ d’application de l’article 14, mais doit être justifiée par des critères objectifs et rationnels.
Actions contentieuses et militantes des associations alternatives à la chasse
Les associations alternatives à la chasse, telles que les associations de protection de la faune sauvage, peuvent agir en justice pour contester des actes administratifs ou réglementaires relatifs à la chasse, notamment les arrêtés préfectoraux classant certaines espèces comme nuisibles ou autorisant des pratiques cynégétiques contestées. La jurisprudence administrative reconnaît à ces associations un intérêt à agir lorsque leur objet social est directement lésé par des décisions administratives. Ainsi, dans l’arrêt , la cour a jugé que « l’élimination de 587 fouines, 159 putois et 2 646 pigeons ramiers en 2004 dans le département du Puy-de-Dôme, réalisée en vertu de l’arrêté préfectoral du 26 novembre 2003 portant classement en espèces nuisibles puis annulé pour un motif de légalité interne le 20 octobre 2005 par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, porte directement atteinte à l’objet social de l’association requérante et constitue, de ce fait, un préjudice moral dont elle est fondée à demander réparation à l’Etat, collectivité publique dont relève l’autorité qui a illégalement classé les espèces en cause comme nuisibles au cours de l’année en cause ; »
La même solution a été retenue dans l’arrêt : « l’élimination de 90 renards, 175 fouines et 251 martres en 2003 dans le département du Cantal, réalisée en vertu de l’arrêté préfectoral du 29 novembre 2002 portant classement en espèces nuisibles puis annulé pour un motif de légalité interne le 21 avril 2005 par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, porte directement atteinte à l’objet social de l’association requérante et constitue, de ce fait, un préjudice moral dont elle est fondée à demander réparation à l’Etat, collectivité publique dont relève l’autorité qui a illégalement classé les espèces en cause comme nuisibles au cours de l’année en cause ; »
Toutefois, ces actions contentieuses ne permettent pas d’éradiquer la chasse dans son ensemble, mais seulement de contester certains actes ou pratiques spécifiques. Les associations alternatives peuvent également promouvoir des pratiques non létales, sensibiliser l’opinion publique, et militer pour une évolution du droit, mais elles ne disposent pas, en l’état, d’un levier statutaire ou juridique permettant de rendre obsolètes les ACCA ou d’abolir la chasse.
Statut juridique des associations alternatives et obstacles à la substitution aux ACCA
Les associations alternatives à la chasse peuvent être constituées sous le régime de la loi du 1er juillet 1901, comme toute association, et peuvent avoir pour objet la protection de la faune, la promotion de pratiques alternatives à la chasse, l’éducation à la biodiversité, etc. Toutefois, ce statut ne leur confère aucun droit particulier sur la gestion des territoires de chasse, ni la possibilité de s’opposer à la création ou au fonctionnement des ACCA, sauf à agir dans le cadre des procédures prévues par la loi (droit d’opposition pour les propriétaires, recours contre les actes administratifs, etc.).
La jurisprudence administrative rappelle que l’intérêt à agir d’une association dépend de la conformité de ses statuts et de la régularité de sa représentation en justice. Ainsi, dans l’arrêt , la cour a jugé que « pour agir en justice les associations soumises au régime de la loi de 1901 doivent être régulièrement représentées en fonction des dispositions statuaires et à défaut, dans le silence des statuts, par un mandat exprès donné à celui qui agit par une décision de l’assemblée générale. »
En outre, la jurisprudence de la Cour de cassation rappelle que le droit de chasser sur le territoire d’une association de chasse est subordonné au respect des statuts et au paiement des cotisations, et que l’exclusion d’un membre pour non-paiement de cotisation entraîne la perte du droit de chasser ( : « Commet la contravention de chasse sur le terrain d’autrui sans le consentement du propriétaire le membre d’une association de chasseurs qui, exclu de plein droit pour non-paiement de cotisations, chasse sur le territoire de l’association sans pouvoir justifier de sa réintégration. »).
Conclusion
En l’état du droit français, une association alternative à la chasse ne peut, par la seule adoption d’un statut particulier, rendre obsolètes les associations de chasse agréées ni éradiquer la pratique de la chasse. Le système des ACCA/AICA est solidement ancré dans la législation et la jurisprudence, et bénéficie d’une reconnaissance tant nationale qu’européenne au regard des objectifs d’intérêt général poursuivis (gestion rationnelle du patrimoine cynégétique, équilibre agro-sylvo-cynégétique, sécurité publique, etc.). Les associations alternatives peuvent agir en justice, promouvoir des pratiques non létales, et militer pour une évolution du droit, mais elles ne disposent pas, en l’état, d’un levier statutaire ou juridique permettant d’abolir la chasse sur le modèle de l’abolition de l’esclavage. Toute évolution en ce sens relèverait d’une réforme législative d’ampleur, qui supposerait une remise en cause des fondements actuels du droit de la chasse en France.
Synthèse
En conclusion, la transformation du régime juridique de la chasse et l’éradication de cette pratique ne peuvent résulter que d’une réforme législative, et non de l’adoption d’un statut particulier par une association alternative. Les associations de protection de la faune peuvent néanmoins jouer un rôle moteur dans l’évolution des mentalités et du droit, mais leur action demeure, en l’état, complémentaire et non substitutive à celle des ACCA.
Bonne réponse
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