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SCAPE

L’alternative
à la chasse

la scape

lettre aux législateurs

Proposition de courrier argumenté à destination des législateurs pour la reconnaissance d’une alternative à la chasse dans la gestion de la faune sauvage

Madame, Monsieur le Député,
Madame, Monsieur le Sénateur,

Nous vous sollicitons par la présente afin d’attirer votre attention sur la nécessité d’une évolution législative majeure en matière de gestion de la faune sauvage et de la place de la chasse dans le code rural et le code de l’environnement. Notre association, dont l’objet est de promouvoir une alternative à la chasse fondée sur la préservation objective de la biodiversité et le respect de l’ensemble des usagers de la nature, souhaite que soit reconnue, dans la loi, la possibilité d’une gestion non létale et pluraliste de la faune sauvage, en cohérence avec les enjeux contemporains de conservation et de partage des espaces naturels.

Synthèse des enjeux et de la demande

La législation actuelle, tout en ayant évolué pour intégrer des préoccupations environnementales, demeure structurée autour d’un modèle de gestion cynégétique qui confère à la chasse un rôle central, tant dans la régulation des espèces que dans l’organisation des territoires ruraux. Or, la société civile, la communauté scientifique et de nombreux acteurs du monde rural expriment aujourd’hui le besoin d’un cadre plus objectif, respectueux de la biodiversité et ouvert à la pluralité des usages et des sensibilités, y compris celles qui s’opposent à la pratique de la chasse.

Nous sollicitons donc la reconnaissance, dans la loi, d’une alternative à la chasse portée par des associations dont l’objet est la gestion non létale de la faune sauvage, la restauration des équilibres écologiques et la promotion d’un accès partagé et apaisé à la nature.

Cadre législatif actuel de la gestion de la faune sauvage et de la chasse

Le code de l’environnement organise la gestion de la faune sauvage principalement autour de la chasse, en confiant aux associations communales et intercommunales de chasse agréées (ACCA et AICA) la mission d’assurer une bonne organisation technique de la chasse, de favoriser le développement du gibier et de la faune sauvage, et de contribuer à la conservation des habitats naturels. Selon l’Article L422-2 du Code de l’environnement : « Les associations communales et intercommunales de chasse agréées ont pour but d’assurer une bonne organisation technique de la chasse. Elles favorisent sur leur territoire le développement du gibier et de la faune sauvage dans le respect d’un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique, l’éducation cynégétique de leurs membres, la régulation des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts et veillent au respect des plans de chasse en y affectant les ressources appropriées en délivrant notamment des cartes de chasse temporaire. Elles ont également pour objet d’apporter la contribution des chasseurs à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages. Leur activité s’exerce dans le respect des propriétés, des cultures et des récoltes, et est coordonnée par la fédération départementale des chasseurs. Les associations communales et intercommunales de chasse agréées collaborent avec l’ensemble des partenaires du monde rural. »

Ce modèle, s’il a permis une certaine structuration de la gestion cynégétique, tend à marginaliser les approches alternatives, notamment celles portées par des associations de protection de la nature ou des propriétaires fonciers opposés à la chasse, qui souhaitent promouvoir d’autres formes de gestion de la faune, fondées sur la non-intervention létale, la restauration des habitats et la cohabitation pacifique.

L’Article L425-4 du Code de l’environnement définit l’équilibre agro-sylvo-cynégétique comme suit : « L’équilibre agro-sylvo-cynégétique consiste à rendre compatibles, d’une part, la présence durable d’une faune sauvage riche et variée et, d’autre part, la pérennité et la rentabilité économique des activités agricoles et sylvicoles. Il est assuré, conformément aux principes définis à l’article L. 420-1, par la gestion concertée et raisonnée des espèces de faune sauvage et de leurs habitats agricoles et forestiers. L’équilibre agro-sylvo-cynégétique est recherché par la combinaison des moyens suivants : la chasse, la régulation, la prévention des dégâts de gibier par la mise en place de dispositifs de protection et de dispositifs de dissuasion ainsi que, le cas échéant, par des procédés de destruction autorisés. La recherche de pratiques et de systèmes de gestion prenant en compte à la fois les objectifs de production des gestionnaires des habitats agricoles et forestiers et la présence de la faune sauvage y contribue. L’indemnisation mentionnée à l’article L. 426-1 peut contribuer à cet équilibre. »

Il ressort de ce texte que la chasse n’est qu’un des moyens de gestion, aux côtés de la prévention, de la régulation non létale et de l’indemnisation, ouvrant ainsi la voie à une pluralité d’approches, dont la gestion non cynégétique.

Limites du modèle actuel et nécessité d’une alternative

La jurisprudence européenne a souligné à plusieurs reprises les limites du système d’apport forcé des droits de chasse et l’importance de respecter la liberté de conscience et de propriété des personnes opposées à la chasse. Dans l’affaire CEDH, Cour (deuxième section), AFFAIRE SCHNEIDER c. LUXEMBOURG, 10 juillet 2007, 2113/04, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que « l’inclusion forcée de la requérante dans un syndicat de chasse, qui a décidé du relaissement du droit de chasse, constitue une ingérence dans son droit de propriété, rompt le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les droits fondamentaux de l’individu. » Cette décision rappelle que l’obligation d’adhérer à une association de chasse ou de tolérer la chasse sur ses terres peut constituer une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux, en particulier pour les propriétaires ou associations qui s’y opposent pour des raisons éthiques ou de protection de la biodiversité.

De même, dans l’affaire CEDH, Cour (grande chambre), AFFAIRE HERRMANN c. ALLEMAGNE, 26 juin 2012, 9300/07, la Cour a estimé que « l’obligation de tolérer la chasse sur ses terres impose une charge disproportionnée au requérant, violant ainsi son droit au respect de ses biens. » Ces arrêts invitent à repenser le modèle français, afin de permettre à des associations ou à des propriétaires de proposer des modes de gestion alternatifs, respectueux de la biodiversité et des convictions de chacun.

La jurisprudence administrative française a également reconnu la nécessité d’une gestion de la faune conforme aux objectifs de préservation des espèces et de participation du public. Ainsi, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, Chambre 2, 8 juin 2023, n° 2101833 a annulé un arrêté préfectoral autorisant des périodes complémentaires de chasse, au motif que « la note de présentation ne contenait pas les informations nécessaires pour permettre une participation effective du public, ce qui constitue une irrégularité dans la procédure. » Cette décision met en lumière l’exigence d’une gestion transparente, fondée sur des données objectives et sur la participation de l’ensemble des parties prenantes, y compris celles qui défendent une alternative à la chasse.

Dans la même veine, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, Chambre 2, 8 juin 2023, n° 2101313 a jugé que « l’arrêté en litige portait atteinte à l’équilibre biologique du blaireau, justifiant ainsi l’annulation de l’arrêté. » Cette jurisprudence démontre que la gestion de la faune doit être guidée par des critères scientifiques et écologiques, et non par la seule logique cynégétique.

Vers une gestion pluraliste et objective de la faune sauvage

La reconnaissance d’une alternative à la chasse s’inscrit dans la dynamique de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui a souligné l’urgence de lutter contre l’érosion de la biodiversité et la nécessité de mobiliser l’ensemble des acteurs, publics et privés, pour la préservation des milieux naturels. Comme le rappelle la CEDH, Avis consultatif relatif à la différence de traitement entre les associations de propriétaires « ayant une existence reconnue à la date de la création d’une… : « la protection et la restauration de la ressource en eau et de la biodiversité, sur l’ensemble des milieux, constituent-elles un enjeu majeur pour la société et le Gouvernement. Le lancement, le 4 juillet 2018, du « Plan Biodiversité » illustre, par la diversité des actions à conduire et des acteurs impliqués, le chemin restant à parcourir pour parvenir à faire face à l’ensemble de ces constats. »

Il est donc essentiel d’ouvrir le code rural et le code de l’environnement à la reconnaissance d’associations dont l’objet est la gestion non létale de la faune sauvage, la restauration des habitats, la prévention des conflits d’usages et la promotion d’une cohabitation harmonieuse entre les différents usagers de la nature. Cette évolution permettrait de garantir un partage équilibré des espaces naturels, de respecter la liberté de conscience des citoyens et de répondre aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme.

Propositions concrètes d’évolution législative

Nous proposons que la loi reconnaisse explicitement la possibilité, pour les propriétaires fonciers et les associations de protection de la nature, de constituer des associations de gestion de la faune sauvage alternatives aux ACCA et AICA, dotées de missions de préservation, de suivi scientifique, de restauration des habitats et de médiation entre usagers. Ces associations pourraient se voir confier, sur la base du volontariat, la gestion de territoires exempts de chasse, dans le respect des équilibres agro-sylvo-cynégétiques définis à l’Article L425-4 du Code de l’environnement et des objectifs de développement durable.

Il conviendrait également de modifier l’Article L422-18 du Code de l’environnement, afin d’ouvrir le droit d’opposition à l’apport forcé des droits de chasse à toute association de propriétaires, quelle que soit sa date de création, dès lors qu’elle justifie d’un projet de gestion alternatif, objectif et respectueux de la biodiversité. Cette évolution serait conforme à l’avis consultatif de la Cour européenne des droits de l’homme, qui souligne la nécessité de proportionner les restrictions aux droits fondamentaux aux objectifs d’intérêt général poursuivis (CEDH, Avis consultatif relatif à la différence de traitement entre les associations de propriétaires « ayant une existence reconnue à la date de la création d’une…).

Enfin, il serait opportun de renforcer la place des associations de protection de la nature et des usagers non chasseurs dans les instances consultatives, telles que le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, dont la mission consultative est rappelée à l’Article L421-1 A du Code de l’environnement : « Le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage exerce une fonction consultative auprès des ministres chargés respectivement de la chasse et de l’agriculture. Il se prononce sur l’ensemble des textes relatifs à l’exercice de la chasse et la gestion de la faune sauvage, et à la protection de la nature lorsqu’ils ont une incidence directe ou indirecte sur l’exercice de la chasse. » L’ouverture de cette instance à une représentation équilibrée des différentes sensibilités permettrait d’assurer une gestion plus objective et démocratique de la faune sauvage.

Conclusion

En définitive, la reconnaissance d’une alternative à la chasse dans la gestion de la faune sauvage répond à une exigence de respect de la biodiversité, de pluralisme des usages et de protection des droits fondamentaux. Elle s’inscrit dans la continuité des évolutions législatives et jurisprudentielles récentes, tant au niveau national qu’européen, et permettrait à la France de se doter d’un cadre moderne, objectif et respectueux de l’ensemble des usagers de la nature.

Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à cette demande et restons à votre disposition pour toute audition ou contribution aux travaux parlementaires sur ce sujet d’intérêt général.

Nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur le Député / Sénateur, l’expression de notre haute considération.

[Signature de l’association]

Synthèse

Thème abordé Référence(s) Idée principale développée
Cadre légal de la gestion de la faune sauvage Article L422-2 du Code de l’environnementArticle L425-4 du Code de l’environnement La gestion de la faune est centrée sur la chasse, mais la loi prévoit d’autres moyens de gestion, ouvrant la voie à des alternatives.
Limites du modèle cynégétique CEDH, AFFAIRE SCHNEIDER c. LUXEMBOURGCEDH, AFFAIRE HERRMANN c. ALLEMAGNE L’obligation d’adhérer à une association de chasse ou de tolérer la chasse sur ses terres peut porter atteinte aux droits fondamentaux, justifiant la reconnaissance d’alternatives.
Exigence d’objectivité et de participation TA Clermont-Ferrand, 8 juin 2023, n° 2101833TA Clermont-Ferrand, 8 juin 2023, n° 2101313 La gestion de la faune doit être fondée sur des critères scientifiques, la participation du public et la préservation de l’équilibre biologique.
Nécessité d’une évolution législative CEDH, Avis consultatifCEDH, Avis consultatif La loi doit reconnaître la possibilité de constituer des associations de gestion non létale de la faune, en cohérence avec les droits fondamentaux et les objectifs de biodiversité.
Représentation pluraliste dans les instances consultatives Article L421-1 A du Code de l’environnement L’ouverture des instances consultatives à toutes les sensibilités permettrait une gestion plus objective et démocratique de la faune sauvage.

 

Arguments juridiques pour renforcer la demande de reconnaissance d’alternatives à la chasse dans le cadre législatif actuel

La question de la reconnaissance d’alternatives à la chasse s’inscrit dans un contexte juridique où la gestion de la faune sauvage, la préservation de la biodiversité et la conciliation des intérêts agricoles, sylvicoles et environnementaux sont au cœur des préoccupations du législateur et du juge administratif. L’analyse du cadre législatif et de la jurisprudence récente permet d’identifier plusieurs axes argumentatifs susceptibles de renforcer une demande de prise en compte effective des alternatives à la chasse, tant dans la procédure d’adoption des arrêtés préfectoraux que dans la justification des mesures de gestion cynégétique.

En synthèse, il ressort du droit positif que la reconnaissance d’alternatives à la chasse peut être soutenue par l’exigence d’un équilibre agro-sylvo-cynégétique, l’obligation de justification des mesures de destruction ou de régulation, le respect du principe de précaution, la nécessité de préserver l’état de conservation des espèces, ainsi que par la participation du public et la recherche de solutions moins dommageables pour la faune sauvage.

Cadre législatif de la gestion cynégétique et de la recherche d’alternatives

Le droit français de la chasse s’articule autour de la gestion durable du patrimoine faunique, de la préservation de la biodiversité et de la conciliation des usages ruraux. Selon l’Article L420-1 du Code de l’environnement« La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d’intérêt général. La pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à cette gestion et contribue à l’équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique. Le principe de prélèvement raisonnable sur les ressources naturelles renouvelables s’impose aux activités d’usage et d’exploitation de ces ressources. Par leurs actions de gestion et de régulation des espèces dont la chasse est autorisée ainsi que par leurs réalisations en faveur des biotopes, les chasseurs contribuent au maintien, à la restauration et à la gestion équilibrée des écosystèmes en vue de la préservation de la biodiversité. Ils participent de ce fait au développement des activités économiques et écologiques dans les milieux naturels, notamment dans les territoires à caractère rural. »

Ce texte fonde la nécessité d’une gestion raisonnée et équilibrée, dans laquelle la chasse n’est qu’un des moyens envisageables, et non une fin en soi. Il ouvre ainsi la voie à la reconnaissance d’autres outils de gestion, tels que la prévention, la régulation non létale, ou la mise en place de dispositifs de protection.

L’Article L425-4 du Code de l’environnement précise que « L’équilibre agro-sylvo-cynégétique est recherché par la combinaison des moyens suivants : la chasse, la régulation, la prévention des dégâts de gibier par la mise en place de dispositifs de protection et de dispositifs de dissuasion ainsi que, le cas échéant, par des procédés de destruction autorisés. La recherche de pratiques et de systèmes de gestion prenant en compte à la fois les objectifs de production des gestionnaires des habitats agricoles et forestiers et la présence de la faune sauvage y contribue. »

Ce texte consacre explicitement la pluralité des moyens de gestion, dont la chasse n’est qu’un élément parmi d’autres, et mentionne la prévention et la dissuasion comme alternatives à la destruction.

L’Article L424-2 du Code de l’environnement encadre strictement les périodes de chasse et prévoit que « Des dérogations peuvent être accordées, s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et à la condition de maintenir dans un bon état de conservation les populations migratrices concernées : 1° Pour prévenir les dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux ; 2° Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités ; 3° Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ; 4° Dans l’intérêt de la sécurité aérienne ; 5° Pour la protection de la flore et de la faune ; 6° Pour des fins de recherche et d’enseignement, de repeuplement, de réintroduction ainsi que pour l’élevage se rapportant à ces actions. Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application de cette disposition. »

La condition d’absence d’autre solution satisfaisante est ici centrale : elle impose à l’autorité administrative de rechercher et d’évaluer les alternatives à la chasse ou à la destruction avant d’autoriser des dérogations.

Exigence de justification et de proportionnalité des mesures de chasse ou de destruction

La jurisprudence administrative récente insiste sur la nécessité, pour l’autorité administrative, de justifier de manière circonstanciée le recours à la chasse ou à la destruction, en démontrant l’absence d’alternatives satisfaisantes et la proportionnalité de la mesure au regard de l’état de conservation de l’espèce et des intérêts protégés.

La décision du Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 13 mai 2025, 480617 rappelle que « le ministre chargé de la chasse peut inscrire une espèce sur la liste des animaux classés susceptibles d’occasionner des dégâts dans un département soit lorsque cette espèce est répandue de façon significative dans ce département et que, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines de celui-ci, sa présence est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par ces dispositions, soit lorsqu’il est établi qu’elle est à l’origine d’atteintes significatives aux intérêts protégés par ces mêmes dispositions. (…) Il appartient toutefois au ministre, pour respecter ce principe lorsqu’il décide d’inscrire une espèce sur cette liste dans un département, de se fonder sur des données pertinentes pour ce département concernant les espèces en cause, et notamment de tenir compte, ainsi que le prévoit l’article L. 110-1, des services écosystémiques qu’elles peuvent y rendre localement et d’éviter les atteintes à la biodiversité. »

Cette décision met en avant l’obligation de fonder la décision sur des données locales pertinentes et d’évaluer les services écosystémiques rendus par l’espèce, ce qui implique de considérer les alternatives à la destruction.

De même, le Tribunal administratif de Limoges, 2ème chambre, 11 juillet 2024, n° 2301051 a jugé que l’absence de prescriptions évitant la destruction de petits blaireaux dans un arrêté autorisant la vénerie sous terre constitue une violation de l’Article L424-4 du Code de l’environnement et de l’Article L424-2 du Code de l’environnement, en soulignant que l’autorité administrative doit s’assurer que la mesure ne porte pas atteinte au maintien de l’espèce dans un état de conservation favorable.

Prise en compte du principe de précaution et de la protection de la biodiversité

Le principe de précaution, consacré à l’Article L420-1 du Code de l’environnement et à l’Article L425-4 du Code de l’environnement, impose à l’administration de privilégier les solutions les moins dommageables pour la faune sauvage, en particulier lorsque l’état de conservation d’une espèce est incertain ou dégradé.

La jurisprudence du Tribunal administratif de Limoges, 2ème chambre, 11 juillet 2024, n° 2301051 a ainsi retenu que l’arrêté autorisant la vénerie sous terre du blaireau méconnaissait le principe de précaution, car il permettait la mise à mort d’une espèce potentiellement vulnérable sans justification suffisante.

De même, le Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 1 juin 2022, 453232 a jugé que « la chasse du grand tétras n’est pas compatible avec le maintien de l’espèce et qu’il est nécessaire de la suspendre sur l’ensemble du territoire métropolitain de la France pendant une durée suffisante pour permettre la reconstitution de l’espèce dans les différents sites de son aire de distribution. (…) Par suite, illégalité du refus du ministre chargé de la chasse de prendre un arrêté de suspension de la chasse du grand tétras. » Cette décision illustre l’obligation de suspendre la chasse lorsque l’état de conservation d’une espèce l’exige, et donc de privilégier des alternatives à la chasse.

Obligation de rechercher et de justifier l’absence d’alternatives

L’Article L424-2 du Code de l’environnement impose expressément que des dérogations à l’interdiction de chasse ne peuvent être accordées que s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante. Cette exigence a été reprise par la jurisprudence, notamment dans la décision du Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 13 mai 2025, 480617, qui a annulé l’inscription de certaines espèces sur la liste des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts en raison de l’absence d’étude sur l’existence d’autres solutions alternatives à la destruction.

Dans le même sens, le Tribunal administratif de Limoges, 2ème chambre, 11 juillet 2024, n° 2301051 a jugé que l’arrêté préfectoral était illégal faute de justification suffisante sur l’état des populations de blaireaux et sur l’importance des dégâts causés, ce qui implique que l’administration doit démontrer l’absence d’alternatives à la chasse.

Participation du public et transparence de la décision administrative

L’Article L422-27 du Code de l’environnement prévoit que les réserves de chasse et de faune sauvage sont créées par l’autorité administrative à l’initiative du détenteur du droit de chasse ou de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, et qu’un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’institution et de fonctionnement des réserves, notamment les mesures propres à prévenir les dommages aux activités humaines et à favoriser la protection du gibier et de ses habitats.

La participation du public à l’élaboration des arrêtés préfectoraux est également encadrée par l’Article L422-27 du Code de l’environnement et par la jurisprudence, qui exige que la note de présentation soit suffisamment précise et complète pour permettre une information effective du public sur les alternatives à la chasse.

Le Tribunal administratif de Limoges, 2ème chambre, 13 octobre 2022, n° 2200675 a ainsi annulé un arrêté préfectoral en raison de vices de procédure dans la consultation du public, la note de présentation n’ayant pas permis au public de se prononcer utilement sur l’existence d’alternatives à la chasse.

Prise en compte des services écosystémiques et de la multifonctionnalité de la faune sauvage

La jurisprudence du Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 13 mai 2025, 480617 insiste sur la nécessité de tenir compte des services écosystémiques rendus localement par les espèces concernées, ce qui implique d’évaluer l’impact de la chasse sur l’ensemble de l’écosystème et de rechercher des solutions alternatives qui préservent ces services.

L’Article L425-4 du Code de l’environnement rappelle que l’équilibre agro-sylvo-cynégétique doit être recherché par la combinaison de moyens divers, et non par la seule chasse.

La jurisprudence

La jurisprudence administrative récente est particulièrement exigeante sur la justification des mesures de chasse ou de destruction et sur la prise en compte des alternatives. Plusieurs décisions illustrent cette tendance :

Le Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 13 mai 2025, 480617 a annulé l’inscription de plusieurs espèces sur la liste des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts, au motif que l’administration n’avait pas étudié l’existence d’autres solutions alternatives à la destruction, ni pris en compte les services écosystémiques rendus par ces espèces.

Le Tribunal administratif de Limoges, 2ème chambre, 11 juillet 2024, n° 2301051 a annulé un arrêté préfectoral autorisant la vénerie sous terre du blaireau, en relevant l’absence de prescriptions évitant la destruction de petits blaireaux et l’insuffisance des justifications sur l’état des populations, ce qui implique que l’administration doit rechercher et justifier l’absence d’alternatives à la chasse.

Le Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 1 juin 2022, 453232 a jugé que la chasse du grand tétras devait être suspendue en raison de l’état de conservation dégradé de l’espèce, illustrant l’obligation de privilégier des alternatives à la chasse lorsque la situation l’exige.

Le Tribunal administratif de Limoges, 2ème chambre, 13 octobre 2022, n° 2200675 a annulé un arrêté préfectoral pour vice de procédure dans la consultation du public, la note de présentation n’ayant pas permis d’évaluer l’existence d’alternatives à la chasse.

Le Tribunal administratif d’Orléans, 4ème chambre, 20 juin 2024, n° 2303500 a jugé que le préfet, pour autoriser une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau, doit s’assurer que la mesure n’est pas de nature à porter atteinte au bon état de la population et ne favorise pas la méconnaissance de l’interdiction de destruction des petits blaireaux, ce qui suppose une évaluation des alternatives.

Enfin, le Tribunal administratif de Rennes, 3 juin 2024, n° 2402617 a reconnu l’intérêt à agir des associations de protection de l’environnement contre des arrêtés autorisant la chasse, en relevant l’urgence à suspendre des mesures ayant des effets irréversibles sur la population de blaireaux, ce qui renforce la nécessité de rechercher des alternatives.

Conclusion

L’ensemble du cadre législatif et de la jurisprudence récente convergent vers une exigence accrue de justification des mesures de chasse ou de destruction, et imposent à l’administration de rechercher et d’évaluer les alternatives à la chasse avant d’autoriser des dérogations. Les arguments supplémentaires susceptibles de renforcer une demande de reconnaissance d’alternatives à la chasse peuvent ainsi s’appuyer sur :

  • L’obligation légale de démontrer l’absence d’autre solution satisfaisante avant d’autoriser la chasse ou la destruction, en application de l’Article L424-2 du Code de l’environnement.
  • L’exigence de proportionnalité et de justification circonstanciée des mesures, en tenant compte de l’état de conservation de l’espèce et des services écosystémiques rendus.
  • Le respect du principe de précaution et la nécessité de préserver la biodiversité, en privilégiant les solutions les moins dommageables pour la faune sauvage.
  • La participation effective du public à la décision administrative, qui suppose une information complète sur les alternatives à la chasse.
  • La prise en compte de la multifonctionnalité de la faune sauvage et de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique, qui implique de combiner différents moyens de gestion, dont la prévention et la dissuasion.

Ces arguments, fondés sur les textes et la jurisprudence, permettent de soutenir une demande de reconnaissance effective des alternatives à la chasse dans le cadre législatif actuel.

Synthèse

Axe argumentatif Fondement législatif Illustration jurisprudentielle Portée pour la reconnaissance d’alternatives
Obligation de rechercher l’absence d’alternative Article L424-2 du Code de l’environnement Conseil d’État, 13 mai 2025 L’administration doit démontrer qu’aucune autre solution n’est possible avant d’autoriser la chasse ou la destruction.
Exigence de justification circonstanciée Article L425-4 du Code de l’environnement TA Limoges, 11 juillet 2024 Les arrêtés doivent être motivés par des données locales et une évaluation de l’état de conservation de l’espèce.
Respect du principe de précaution Article L420-1 du Code de l’environnement TA Limoges, 11 juillet 2024 Privilégier les solutions les moins dommageables pour la faune sauvage.
Prise en compte des services écosystémiques Article L425-4 du Code de l’environnement Conseil d’État, 13 mai 2025 Évaluer l’impact de la chasse sur l’écosystème et rechercher des alternatives qui préservent ces services.
Participation du public et transparence Article L422-27 du Code de l’environnement TA Limoges, 13 octobre 2022 La note de présentation doit permettre au public d’évaluer les alternatives à la chasse.
Suspension de la chasse en cas d’état de conservation dégradé Article L424-2 du Code de l’environnement Conseil d’État, 1 juin 2022 Obligation de suspendre la chasse si l’état de l’espèce l’exige, en privilégiant d’autres moyens de gestion.