Madame, Monsieur,
Nous avons l’honneur de vous présenter un concept novateur d’association alternative à la chasse, fondé sur la volonté d’éradiquer la pratique cynégétique au profit d’une gestion durable et respectueuse de la biodiversité et des autres usagers de la nature.
Alors que la loi dispose, à l’, « La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d’intérêt général. La pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à cette gestion et contribue à l’équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique. », notre association propose une approche résolument différente : placer la préservation de la faune sauvage et de ses habitats au cœur de l’action, sans recourir à la chasse comme outil de régulation.
Les associations communales et intercommunales de chasse agréées ont pour but d’assurer une bonne organisation technique de la chasse et de favoriser le développement du gibier dans le respect de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique ( : « Elles ont également pour objet d’apporter la contribution des chasseurs à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages. »). Notre projet révolutionne ce modèle en supprimant l’activité cynégétique, pour se consacrer exclusivement à la conservation des habitats, à la restauration des écosystèmes et à la cohabitation harmonieuse entre tous les usagers de la nature.
Notre association s’engage à promouvoir une gestion participative et inclusive, où agriculteurs, forestiers, naturalistes, promeneurs et riverains collaborent pour préserver la biodiversité, restaurer les biotopes et garantir la sécurité et la tranquillité de tous. Nous souhaitons ainsi répondre aux attentes croissantes de la société en matière de respect de la nature et de développement d’activités écologiques et économiques alternatives à la chasse.
Nous serions honorés de pouvoir présenter ce concept dans vos colonnes, afin d’ouvrir le débat sur l’avenir de la gestion de la faune sauvage et des espaces naturels en France.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.
Présentation juridique du concept d’association alternative à la chasse et enjeux de la reconnaissance d’un statut spécifique
Le concept d’association alternative à la chasse, tel qu’il émerge dans le débat public et sur des plateformes comme le site , renvoie à des groupements de propriétaires fonciers ou d’usagers ruraux qui souhaitent organiser la gestion de leurs terres en dehors de toute activité cynégétique, en privilégiant la protection de la biodiversité, la préservation des habitats naturels et la valorisation d’usages non-chasse. Cette démarche s’inscrit dans un contexte juridique français marqué par la prééminence historique des associations communales de chasse agréées (ACCA) et par la complexité des droits d’usage et de propriété sur les territoires ruraux. La reconnaissance d’un statut spécifique pour ces associations alternatives soulève des enjeux juridiques majeurs, tant au regard du droit interne que des exigences européennes et internationales en matière de droits fondamentaux et de gestion durable des espaces naturels.
Dans cette analyse, il convient d’exposer d’abord le cadre légal structurant la chasse associative en France, puis d’examiner la place et les difficultés de reconnaissance des associations alternatives à la chasse, avant d’aborder les enjeux juridiques liés à l’éventuelle création d’un statut spécifique pour ces groupements.
Cadre légal de la chasse associative et de la gestion des territoires ruraux
Le droit français de la chasse repose sur un système structuré autour des associations communales et intercommunales de chasse agréées (ACCA et AICA), dont l’objet est d’assurer une gestion collective et rationnelle de la chasse sur le territoire communal. Selon l’, « Les associations communales et intercommunales de chasse agréées ont pour but d’assurer une bonne organisation technique de la chasse. Elles favorisent sur leur territoire le développement du gibier et de la faune sauvage dans le respect d’un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique, l’éducation cynégétique de leurs membres, la régulation des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts et veillent au respect des plans de chasse en y affectant les ressources appropriées en délivrant notamment des cartes de chasse temporaire. Elles ont également pour objet d’apporter la contribution des chasseurs à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages. Leur activité s’exerce dans le respect des propriétés, des cultures et des récoltes, et est coordonnée par la fédération départementale des chasseurs. Les associations communales et intercommunales de chasse agréées collaborent avec l’ensemble des partenaires du monde rural. »
Ce dispositif, issu de la loi dite « Verdeille » de 1964, a été conçu pour lutter contre la chasse « banale » et favoriser une gestion collective, en intégrant de manière obligatoire les terrains des propriétaires dans le périmètre de l’ACCA, sauf opposition expresse dans des conditions strictement encadrées.
L’ précise les conditions d’admission des membres dans ces associations, en distinguant plusieurs catégories de titulaires du permis de chasser, de propriétaires, d’apporteurs de droits de chasse, et en prévoyant également l’admission de propriétaires non chasseurs sous certaines conditions. Il dispose notamment : « I.-Les statuts de chaque association doivent prévoir l’admission dans celle-ci des titulaires du permis de chasser validé : 1° Soit domiciliés dans la commune ou y ayant une résidence pour laquelle ils figurent, l’année de leur admission, pour la quatrième année sans interruption, au rôle d’une des quatre contributions directes ; 2° Soit propriétaires ou détenteurs de droits de chasse ayant fait apport de leurs droits de chasse ainsi que, s’ils sont titulaires d’un permis de chasser, leurs conjoints, ascendants et descendants, gendres et belles-filles du ou des conjoints apporteurs ; […] III.-Sauf s’il a manifesté son opposition à la chasse dans les conditions fixées par le 5° de l’article L. 422-10, le propriétaire non chasseur dont les terrains sont incorporés dans le territoire de l’association est à sa demande et gratuitement membre de l’association, sans être tenu à l’éventuelle couverture du déficit de l’association. L’association effectue auprès de lui les démarches nécessaires. »
La qualité de membre d’une ACCA confère le droit de chasser sur l’ensemble du territoire de l’association, conformément à son règlement, comme le rappelle l’ : « La qualité de membre d’une association communale de chasse confère le droit de chasser sur l’ensemble du territoire de chasse de l’association, conformément à son règlement. »
Les statuts des ACCA sont strictement encadrés par la loi et le règlement, notamment par l’, qui impose une série de clauses obligatoires, et par l’, qui précise que « Le règlement intérieur et de chasse de l’association détermine les droits et obligations des sociétaires, l’organisation interne de l’association. Il doit assurer, en outre, par l’éducation cynégétique des membres de l’association un exercice rationnel du droit de chasse dans le respect des propriétés et des récoltes. »
Enfin, la possibilité de constituer des associations intercommunales de chasse agréées (AICA) est prévue par l’ et l’, qui organisent la mutualisation des moyens et des territoires entre plusieurs ACCA.
La jurisprudence sur la gestion associative de la chasse et la reconnaissance des droits des propriétaires
La jurisprudence a été amenée à se prononcer à plusieurs reprises sur la compatibilité du système des ACCA avec les droits fondamentaux, notamment le droit de propriété et la liberté d’association. La Cour européenne des droits de l’homme, dans l’arrêt , a rappelé que « la qualité de membre « forcé » du syndicat de chasse de Troisvierges dans le chef de la requérante et la prétendue atteinte au droit négatif d’association en découlant était à considérer comme proportionnée à l’intérêt général poursuivi. » Toutefois, la Cour a également souligné, à propos du système français, que l’inclusion forcée de propriétaires opposés à la chasse dans une association de chasse pouvait constituer une ingérence disproportionnée dans leur droit de propriété et leur liberté d’association, ce qui a conduit à la création d’un droit d’opposition de conscience cynégétique.
La question de la possibilité pour des propriétaires de se regrouper en association alternative à la chasse, afin de gérer collectivement leurs terres sans activité cynégétique, a été au cœur de plusieurs contentieux récents. Le a ainsi rappelé que « seules les associations de propriétaires ayant une existence reconnue à la date de création de l’association communale de chasse agréée (ACCA) disposent du droit de s’en retirer, à condition de réunir des terrains représentant une superficie totale remplissant la condition prévue à l’article L. 422-13, les associations comparables créées postérieurement à cette date étant privées de ce droit même lorsqu’elles réunissent des terrains représentant une superficie totale remplissant la condition prévue à l’article L. 422-13. » Cette distinction temporelle, qui limite la capacité des associations alternatives à la chasse à se constituer après la création d’une ACCA, a été contestée devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Dans son , la CEDH a souligné que « la distinction temporelle entre les groupements de propriétaires créés avant ou après la constitution de l’ACCA était disproportionnée et contraire à l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1 du Protocole no 1. Selon elle, l’objectif d’éviter l’affaiblissement des ACCA existantes que le législateur avançait pour justifier cette différence de traitement aurait pu être atteint par d’autres moyens. » La Cour a ainsi invité le législateur à justifier de manière objective et proportionnée toute différence de traitement entre associations de propriétaires, en tenant compte des droits fondamentaux en jeu.
Les associations alternatives à la chasse : définition, obstacles et perspectives juridiques
Les associations alternatives à la chasse, telles que présentées sur le site , se définissent comme des groupements de propriétaires ou d’usagers ruraux qui souhaitent organiser la gestion de leurs terres en excluant toute activité cynégétique, en mettant l’accent sur la préservation de la biodiversité, la protection des habitats naturels, la valorisation d’usages récréatifs, éducatifs ou scientifiques, et la promotion d’une gestion durable des espaces ruraux. Ces associations se heurtent toutefois à plusieurs obstacles juridiques majeurs.
D’une part, le système des ACCA, tel qu’il résulte des articles précités, tend à intégrer de manière quasi-automatique les terrains des propriétaires dans le périmètre de l’association de chasse, sauf opposition expresse dans des conditions restrictives. La possibilité de se retirer de l’ACCA pour constituer une association alternative est strictement limitée aux associations de propriétaires existant à la date de création de l’ACCA, ce qui exclut de facto la création d’associations alternatives postérieures, même si elles réunissent une superficie suffisante.
D’autre part, la jurisprudence du Conseil d’État et de la CEDH, tout en reconnaissant la légitimité de la gestion collective de la chasse dans un objectif d’intérêt général, insiste sur la nécessité de respecter les droits fondamentaux des propriétaires, notamment leur droit de ne pas voir leurs terres affectées à une activité contraire à leurs convictions ou à leur projet de gestion. Ainsi, la CEDH, dans son , a relevé que « la différence de traitement pourrait relever du champ d’application de l’article 14 de la Convention, et a souligné l’importance d’examiner si les personnes concernées se trouvent dans des situations analogues. » Elle a également rappelé que « le législateur pouvait justifier une différence de traitement par des objectifs d’intérêt général, tels que la gestion rationnelle du patrimoine cynégétique. »
Le précise que « les différences de traitement doivent avoir une justification objective et raisonnable, et que le législateur doit démontrer que les moyens employés sont proportionnés aux objectifs visés. » Cette exigence de proportionnalité ouvre la voie à une réflexion sur la possibilité de reconnaître un statut spécifique aux associations alternatives à la chasse, permettant aux propriétaires de s’organiser collectivement pour exclure la chasse de leurs terres, sous réserve de garanties suffisantes pour éviter le morcellement excessif des territoires et préserver l’intérêt général.
Enjeux juridiques de la reconnaissance d’un statut spécifique pour les associations alternatives à la chasse
La reconnaissance d’un statut spécifique pour les associations alternatives à la chasse soulève plusieurs enjeux juridiques majeurs.
Premièrement, il s’agit de concilier le droit de propriété et la liberté d’association des propriétaires fonciers avec l’objectif d’intérêt général de gestion rationnelle du patrimoine cynégétique. La jurisprudence européenne, notamment dans l’arrêt , a rappelé que « l’inclusion forcée de la requérante dans un syndicat de chasse, qui a décidé du relaissement du droit de chasse, constitue une ingérence dans son droit de propriété, rompt le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les droits fondamentaux de l’individu. » Cette analyse impose au législateur de prévoir des mécanismes permettant aux propriétaires opposés à la chasse de faire valoir leur position, sans pour autant compromettre la cohérence de la gestion des territoires ruraux.
Deuxièmement, la reconnaissance d’un statut pour les associations alternatives à la chasse doit s’inscrire dans le respect des engagements internationaux de la France en matière de protection de la biodiversité et de gestion durable des espaces naturels. L’ rappelle que « Les réserves de chasse et de faune sauvage ont vocation à : – protéger les populations d’oiseaux migrateurs conformément aux engagements internationaux ; – assurer la protection des milieux naturels indispensables à la sauvegarde d’espèces menacées ; – favoriser la mise au point d’outils de gestion des espèces de faune sauvage et de leurs habitats ; – contribuer au développement durable de la chasse au sein des territoires ruraux. » La création d’associations alternatives pourrait ainsi contribuer à la réalisation de ces objectifs, en offrant une alternative crédible à la gestion cynégétique classique.
Troisièmement, la mise en place d’un statut spécifique pour ces associations suppose de définir des critères objectifs et transparents, notamment en ce qui concerne la superficie minimale des terrains concernés, les modalités de regroupement des propriétaires, les garanties de gestion durable et de préservation des équilibres biologiques, ainsi que les relations avec les ACCA existantes. La jurisprudence, tant nationale qu’européenne, insiste sur la nécessité d’éviter les discriminations injustifiées et de garantir la proportionnalité des mesures adoptées.
Enfin, la reconnaissance d’un tel statut pourrait avoir des conséquences importantes sur l’organisation de la chasse associative, la répartition des droits d’usage sur les territoires ruraux, et la participation des différents acteurs à la gestion de la biodiversité. Elle pourrait également susciter des contentieux nouveaux, notamment en cas de conflit entre associations alternatives et ACCA, ou en cas de remise en cause des équilibres locaux.
Conclusion
Le concept d’association alternative à la chasse s’inscrit dans une dynamique de diversification des usages ruraux et de montée en puissance des préoccupations environnementales. Le droit français, structuré autour des ACCA, offre un cadre rigide qui limite aujourd’hui la possibilité pour les propriétaires de s’organiser collectivement en dehors de la chasse, sauf à avoir constitué leur association avant la création de l’ACCA. La jurisprudence, tant nationale qu’européenne, invite toutefois à une évolution du droit, en insistant sur la nécessité de respecter les droits fondamentaux des propriétaires et de garantir la proportionnalité des mesures adoptées. La reconnaissance d’un statut spécifique pour les associations alternatives à la chasse apparaît ainsi comme une piste de réforme, susceptible de concilier la gestion durable des territoires ruraux, la protection de la biodiversité et le respect des droits individuels. Sa mise en œuvre supposerait toutefois une adaptation fine du cadre législatif et réglementaire, afin d’éviter les risques de morcellement excessif et de préserver l’intérêt général.